Haut-fourneau de Ping Yao
Haut-fourneau de Ping Yao

Une machine à remonter le temps

Dans un pays qui mute aussi rapidement, les distorsions temporelles sont particulièrement fréquentes !
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Haut-fourneau de Ping Yao
Haut-fourneau de Ping Yao

Il est un fait important : la Chine vous fait voyager dans le temps. A bord de votre Dolorean1, vitesse de 88mph ou plutôt de votre train, direction le XIXème siècle et le nord de la France, en plein dans la révolution industrielle. Ambiance Germinal et les Rougon-Macquart de Zola.

Quelques gueules noires ne dénoteraient pas non plus

Lancé à pleine vitesse, le train perce cette muraille grisâtre qui n’est autre que le ciel descendu trop bas à notre rencontre. Le morne paysage ne se dévoile à notre vue que de quelques mètres à cause de cette brume persistante que l’on ne sait attribuer à la pollution ou au climat de fin d’hiver. Il est cependant rythmé par les hauts-fourneaux dont les silhouettes noires se détachent sur ce fond gris. S’ils sont les plus emblématiques le long de la voie ferrée, ils n’en sont pas les plus nombreux, remplacés par des bâtiments aux allures d’immeubles d’habitation et qui abritent sans doute les usines de confection et d’assemblage. Collés à la vitre, nous sommes les spectateurs de ce décor qui a depuis longtemps disparu en France. Une évidence s’impose à nous : on ne devient pas l’atelier du monde sans usine.

Les corons de Ping Yao
Les corons de Ping Yao

A Xian, ce n’est pas l’architecture qui frappe en premier mais l’odeur de charbon et parfois de souffre qui flotte dans l’air. Elle irrite la gorge et complique la respiration. La ville est constamment placée sous une chape de brume qui obscurcit le soleil. Les couleurs sont effacées, atténuées et tout semble gris. La météo pourtant nous l’assurait : ce jour-là était un jour de beau temps. Une impression de déjà-vu qui fait référence à la Route, le roman post-apocalyptique de Cornack McCarthy. Sans doute, a-t-il puisé son inspiration de Xian.

A Ping Yao, l’odeur de charbon est plus forte qu’à Xian, elle prends à la gorge, et laisse un goût amer dans la bouche. Si cela est possible, le ciel est encore plus bas que les jours précédents. Il pleuviote. Le froid et l’humidité pénètrent les vêtements et vous glace jusqu’aux os. La brique grise est là aussi. Et pour que l’immersion soit parfaite, ils ont poussé le vice jusqu’à reproduire des corons. Quelques rues aux maisons identiques, dehors les tas de charbon attendent de nourrir le poêle. Il ne manque plus qu’un peu de boue et des enfants nus jouant dedans pour que le tableau soit complet. Quelques gueules noires ne dénoteraient pas non plus. Dans un des musées de la ville, nous découvrons que Ping Yao est jumelé avec Provins : il eut été plus pertinent de trouver un accord avec Lens ou Roubaix, tant les ressemblances sont troublantes.

Il ne manque plus que les fameuses voitures volantes

Shanghai de nuit
Shanghai de nuit

La Chine est un vaste pays et c’est sans doute pour cela qu’elle est sujette à des distorsions du continuum espace-temps. A quelques milliers de kilomètres de là, la Dolorean s’emballe et nous voilà projeté dans le XXIème siècle tel qu’on l’imaginait quand on était gamin. Immeubles qui donnent le torticolis, fruits de l’imagination d’architectes et de la mégalomanie de dirigeants dont il faudrait vérifier la santé mentale. Double ou triple voies suspendues qui font des loopings en plein centre-ville. Population hyper-connectée, accro au téléphone portable ou à la tablette. Il ne manque plus que les fameuses voitures volantes. Où l’expression « un pays à deux vitesses » prends tout son sens. D’un côté, la Chine laborieuse qui constitue le plus grand atelier du monde, de l’autre celle des businessmen qui négocient avec le reste de l’humanité. Et pour reprendre un rhétorique purement communiste : les uns exploitant la sueur des autres.

Partout des chantiers effacent les traces de ce passé encore récent. A coups de bulldozers, on fait disparaître les quelques quartiers populaires qui subsistaient au cœur de la ville. Il faut faire place nette pour construire la ville du futur. Pour brosser complètement le portrait de ces voyages temporels, il nous faudrait visiter la campagne, chose que nous ne pouvons pas faire durant ce voyage. Elle nous offrirait sans doute un troisième visage.

1Cf les films de Retour vers le futur

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6 comments
  1. j’espere que vous n’avez pas trop d’amis du côté de Lens ou Roubaix…
    Existe-il des passerelles entre les differents “mondes” que vous rencontrez ou est ce que ce sont que des ghettos qui agglomérés forment tant bien que mal la Chine?
    A bientôt

Répondre à gilbert

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