Pour profiter d’un des nombreux week-ends prolongés du mois de mai, nous avons choisi d’aller à Oiapoque, la voisine brésilienne de l’extrémité Est de la Guyane. A seulement trois heures de route de Cayenne et quelques dizaines de minutes en pirogue, un tout autre monde s’offre à nous : l’immense, le vaste, le géant voisin brésilien !
Le Far-west existe encore
Les quelques brésiliens de Cayenne que nous connaissons mettent toujours un point d’honneur à nous avertir « qu’Oiapoque, ce n’est pas le Brésil ! ». Ils semblent ressentir une certaine gêne, voire honte, à ce qu’on puisse les assimiler à leurs compatriotes de cette petite ville « perdue » du Brésil.
On la considère effectivement comme le « Far-west », aux antipodes de la « civilisation » et où le « chacun pour soi » règne. C’est aussi la ville des chercheurs d’or, le camp de base pour les fameux « garimpeiros » (chercheur d’or en portugais) qui « pillent » l’or de la Guyane et qui jouent « au chat et à la souris » avec l’Etat Français. On y trouve tout le matériel nécessaire à un bon orpaillage, tamis, batées, pompes, générateurs, sans oublier l’omniprésence du « corned-beef », soupes chinoises et autres aliments en boîte dans les rayonnages des supermarchés.
Comme il paraît loin le pouvoir fédéral dans cette petite ville coupée du monde plusieurs mois dans l’année du fait d’inondations causées par la saison des pluies. La ville est accessible seulement par une longue piste en latérite, la BR156, à 12h de bus de Macapa, la capitale de l’Amapa, l’Etat fédéral dans lequel se situe Oiapoque. Nous redoutons le jour où nous voudrons l’emprunter … Mais, nous sommes curieux de découvrir si le Brésil se plie aux traditions des voyages en bus d’Amérique du Sud. Nous y avions adoré l’ambiance au cours de nos longs trajets en Argentine, Bolivie, Chili et Pérou. A bien y réfléchir, 12h de bus, ce n’est pas si terrible…
La piste est régulièrement impraticable du fait de la pluie et des risques d’embourbement, ce qui cause de sérieux problèmes d’approvisionnement pour ses habitants.
Des coupures d’électricité nombreuses pendant la saison des pluies
C’était le cas lorsque nous y étions et le résultat était un rationnement drastique pour tout : électricité à partir de 18h et seulement pour quelques heures (dû à un défaut d’approvisionnement en carburant), rayonnage des magasins plutôt vide, sauf en couac, dont on suppose une production locale abondante. La ville était très silencieuse pendant la journée, mais elle se rattrapait largement à la seconde où le courant était rétabli, dû à une coutume bien locale de poser des baffles sur la route et de monter le son !
De nombreux guyanais comprennent peu l’attrait des « métro » pour cette ville. Il est vrai qu’en faisant le bilan du week-end, on se demande bien quel intérêt nous avons pu retirer d’avoir fait tout ce chemin pour visiter les quelques échoppes de la ville – qui proposent toutes les mêmes produits : havaianas, pour les touristes français, et matériel et autre nourriture en boîte pour les orpailleurs – au milieu de la poussière produites par les routes en latérites, les motos-taxis qui roulent n’importe comment, le hurlement des haut-parleurs sur le toit de voitures publicitaires, sans oublier la chaleur cuisante entrecoupée d’averses tropicales qui détrempent…
Heureusement, il y a tout le reste :
Découvrir une ville frontière … sans poste frontière ! Il ne faut pourtant pas oublier de se plier aux formalités administratives d’usage : faire tamponner le passeport ! Le poste de police fédérale est d’ailleurs plutôt éloigné du fleuve (point d’entrée sur le territoire) et il faut marcher un peu pour le trouver. On nous fait attendre dehors pendant toute l’opération. Ne pas oublier de le faire tamponner également à la sortie du territoire…
Observer, depuis la rive du fleuve, le ballet incessant des pirogues. Le bourdonnement des moteurs à bateau constitue d’ailleurs un bruit de fond permanent, qu’on entend de n’importe quel point de la ville. Il suffit d’agiter le bras depuis la berge pour qu’une pirogue fasse un crochet pour vous prendre. On paye les piroguiers en « réales » (monnaie brésilienne) ou en ticket repas (le très populaire plat brésilien « feijoadas », sorte de ragoût de haricots noirs) ! Il faut 10 minutes pour retourner à Saint-Georges (rive française du fleuve), mais il arrive souvent à la pirogue de faire des crochets pour déposer ses passagers tout au long de la rive, ce qui permet d’offrir un aperçu du mode de vie en bord de fleuve (maison sur pilotis, omniprésence de la pêche, etc.).
Le pont de l’amitié franco-brésilienne…
Cette balade sur le fleuve permet aussi d’admirer le fameux pont de l’Oyapock du-dessous. Ce bel ouvrage n’est malheureusement toujours pas en service, alors qu’il a été achevé en 2011. D’obscures raisons repoussent continuellement son ouverture, tant et si bien qu’on finit par oublier jusqu’à son existence. Ce n’est pas le cas du climat tropical qui commence déjà à le grignoter. Le pont a coûté 38 millions d’euros, et il sert aujourd’hui principalement de repère aux moisissures…
Un autre attrait d’Oiapoque consiste à observer l’animation de la ville et le va-et-vient de ses habitants depuis un boui-boui au bord de la route, tout en dégustant de l’eau de coco bien fraiche. Cette atmosphère particulière nous change radicalement de la relative absence de vie sociale et d’ambiance dans les villes et villages de Guyane.
Un passage obligé à tout séjour à Oiapoque : le marché ! Il n’est pas très grand, mais, on y vend un couac délicieux (semoule de manioc) ! Personnellement, nous trouvons qu’il a une saveur plus neutre que celui que l’on peut se procurer à Cayenne, qui a trop goût à boucané. C’est aussi l’occasion de refaire son stock de « tucupi », sauce pimentée à base de jus de manioc, qui coûte bien plus cher en Guyane.
Le régal de la viande grillée
La Ville d’Oiapoque est aussi connu pour ses churrascarias. Il s’agit de restaurant de viandes grillées au barbecue. On sert généralement à volonté ou au kilo. Pour les adeptes de viande, ces restaurants sont des bons plans car on y mange vraiment excellemment.
Enfin, nous étions logés à l’extérieur de la ville dans une installation en forêt (mais seulement à 15 minutes à pieds du centre d’Oiapoque). Malgré l’antipathie des propriétaires et le manque d’entretien de ses équipements, nous avons apprécié notre séjour et particulièrement le coin baignade dans le fleuve, dont la fraîcheur est salvatrice pendant les heures les plus chaudes. Nous avons aussi aimé admirer le coucher de soleil sur le fleuve et les palmiers-bâches ou encore se faire réveiller par un ara (et le voir !) ou contempler la témérité des tamarins à main jaune lorsqu’ils sautent d’arbre en arbre.
En conclusion et à bien y réfléchir, Oiapoque vaut décidément bien le détour !
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