Nous accueillons toujours avec autant d’étonnement mêlé d’appréhension les épisodes de pluies diluviennes
Pendant notre tour du monde, nous avions expérimenté la mousson en Thaïlande et en relisant l’article que nous avions écrit à ce sujet, force est de constater qu’il n’y a pas beaucoup de différence avec celle que nous vivons en Guyane pendant six longs mois de l’année. Alors que nous nous étonnions de l’indifférence des thaïlandais devant le déchaînement de la nature pendant les épisodes les plus virulents des pluies tropicales, nous ne sommes toujours pas arrivés à ce stade d’acclimatation, malgré deux ans passés en Amazonie. C’est toujours avec beaucoup d’étonnement mêlé d’appréhension que nous expérimentons la violence des pluies diluviennes qui sont quotidiennes pendant la saison humide.
La plage constitue le terrain de contemplation le plus propice, car le panorama sur les pluies tropicales reste le plus impressionnant. L’horizon ainsi dégagé, permet de parfaitement observer l’enchaînement des éléments : l’assombrissement brusque du ciel, l’effacement total des îles au large de Cayenne, un vent violent qui balaye tout sur son passage et surtout la pluie qui avance inexorablement vers le littoral. Au loin, elle donne l’illusion d’une union entre ciel et terre.
Parfois, il nous arrive d’être tellement subjugué par le spectacle de la pluie que l’on aperçoit s’abattre au loin, que nous oublions bêtement de nous mettre à l’abri. Plus d’une fois nous avons pu constater, à notre dépend, combien la pluie se meut vite… Une fois au-dessus de notre tête, il ne sert plus à rien de courir ni de se protéger, on est trempé jusqu’aux os ! D’autres fois, la chance nous sourit et la pluie se déplace sur l’océan sans effleurer le continent. Nous pouvons continuer à vaquer à nos occupations sur la plage.
la saison des pluies apporte un joli jeu de contraste dans les couleurs
Contempler la pluie qui tombe sur le fleuve est une autre expérience unique. Nous avons eu la chance de pouvoir le faire à l’abri de la Goélette, un restaurant-bateau amarré sur le Maroni à quelques kilomètres du centre de Saint-Laurent-du-Maroni. Nous étions absorbés par le ballet incessant des pirogues sur le Maroni reliant la France au Surinam et vice versa. Ce va-et-vient permanent nous faisait penser à un téléphérique tellement les pirogues semblaient se suivre de façon régulière. D’un seul coup, la pluie est venue gommer ce spectacle, le fleuve est devenu notre seule ligne d’horizon, la rive en face de nous avait tout bonnement cessé d’exister. Notre repas a ensuite été accompagné par le musical « plic ploc » de la pluie sur le fleuve. C’était aussi magique d’admirer la course des milliers de gouttes d’eau se démultipliant en autant de cercles sur le fleuve.
Alors que le soleil ardent de la saison sèche a tendance à neutraliser toute velléité de teinte, en saison des pluies, la cohabitation du soleil avec les épaisses couches de nuages noirs a, à l’inverse, tendance à accentuer le contraste des couleurs. Le résultat visuel est tout simplement magnifique. Il arrive même parfois qu’un éphémère arc en ciel rayonne dans le ciel, avant de se faire vite happer par les multiples cumulus qui rôdent.
Il est enfin une tradition guyanaise tenace, celle de vivre les défilés carnavalesques des jours gras sous la pluie. En 2015, sans exagérer, il a plu sans discontinuer pendant trois jours d’affilé. Cela ne nous aurait pas dérangés si ces jours là n’avaient pas été chômés, tous nos plans de sorties sont donc tombés à l’eau ! Un peu plus et j’ai bien failli croire que la malédiction de la ville imaginaire de Macondo, dans le roman « 100 ans de solitude » de Gabriel Garcia Marquez, s’était abattue sur Cayenne. Nous aurions dû alors apprendre à vivre plus de 4 ans sous la pluie !
Après de longs mois à supporter pluies, inondations, moustiques, humidité, la date de fin de la saison des pluies est dans toutes les conversations… Mais c’est alors que la chaleur harassante de la saison sèche pompe toute notre énergie, et l’on se prend à rêver d’une bonne averse !