Avant de débarquer en Guyane, plusieurs personnes s’étaient effrontément moquées de la beauté des plages de Cayenne. Alors certes, leurs eaux ne sont pas totalement
d’un bleu turquoise, mais ayant grandi sur la côte atlantique proche d’un estuaire, je n’ai pas franchement été dépaysée de ce point de vue. Même si le « pire » reste à venir puisque l’eau deviendra de plus en plus marron au fur et à mesure de l’avancée de la saison des pluies. La côte guyanaise est victime de la force des courants qui transportent les alluvions du fleuve Amazone (rejet annuel d’un milliard de tonne), dont l’embouchure se situe tout de même à plus de 400km au sud. Tout le littoral est ainsi d’une couleur marron peu ragoutante. Mais il suffit de s’éloigner de quelques kilomètres pour retrouver les eaux de carte postale et typiquement c’est ce qu’il se passe quand on se rend aux îles du Salut. Ces moqueurs ont bien eu tort car nous avons quand même les palmiers et la foret qui se jette presque dans l’océan, ce qui reste unique dans toute l’Amérique du Sud ! De plus, pour notre plaisir, de nombreuses plages sont facilement accessibles depuis Cayenne.
Il y a d’abord la « plage du Novotel ». Cette plage est totalement publique mais elle tire son nom du célèbre hôtel qui y a élu domicile. Il s’agit de la plage populaire et familiale par excellence de l’île de Cayenne, la seule surveillée pendant pendant la période estivale et la plus proche du centre-ville. L’été, elle fourmille de monde – sans pour autant atteindre la densité de la Grande-Motte – et de nombreuses animations y sont proposées. Elle est aussi le paradis des sportifs tôt le matin et avant la tombée de la nuit. Alors que nous nous contentons d’y marcher (une bonne heure de marche pour faire l’aller – retour), nous restons admiratifs devant ces joggeurs, ces lutteurs de Djokan, ou ces silhouettes qui se détachent à l’horizon en train de faire des exercices gymnastiques. A ses deux extrémités, deux sentiers de randonnée dans la forêt sont possibles (le sentier Montabo ou du Mont Bourda) qui, en général, se terminent par un bain de mer bien mérité ! Il faut faire attention aux vagues et il suffit d’observer les autres baigneurs pour comprendre le danger : personne ne s’aventure au-delà d’une cinquantaine de mètres. Si par le plus grand des miracles, une accalmie des rouleaux marins nous permet de nous éloigner un peu, très vite, une nouvelle vague nous rappelle à l’ordre. Plusieurs fois, nous avons d’ailleurs été projeté par les rouleaux, ce qui fait la prospérité des vendeurs de lunettes de soleil dans ce pays (conclusion: ne pas se baigner avec ses lunettes de soleil!)… Cette plage deviendra rapidement « notre plage » car nous habitons a 2 mn à pieds. Tôt le matin avant le travail pour le premier bain de mer ou en fin de journée pour le bain du soir, nous ne nous en lassons pas !
La Pointe Buzaré offre aussi un petit coin de plage, mais il s’agit surtout d’une aire de pique-nique et il doit falloir arriver très très très tôt pour profiter de l’ombre d’un carbet et des tables de pique-nique. Des barbecues sont à la disposition des familles, et il est assez impressionnant de les voir débarquer avec leur immenses glacières qui regorgent de mets et de boissons. La journée est plutôt farniente : après avoir bien déjeuné, on accroche les hamacs sous le carbet et le temps est partagé entre sieste et un brin de rafraîchissement dans l’eau. Comme ça donne envie !
Les autres plages se situent à Rémire-Montjoly.
En effet, malgré les nombreux panneaux « baignade interdite » du centre de Cayenne, il n’y a pas d’autres plages de sable à la disposition des cayennais. Le reste du littoral est prisonnier de la mangrove. En parcourant, on tombe rapidement sur des panneaux interdisant la baignade devant une barrière dense de mangrove. L’histoire raconte que les panneaux n’ont pas été installés par pure fantaisie mais que les vieux de Cayenne se souviennent encore d’avoir profité des jolies plages de sables fins du centre… Des bancs de vases et de sédiments se déplacent en fonction des courants et les palétuviers se fixent dessus. La mangrove colonise alors la côte. Au contraire, quand les courants érode le banc de sédiments, la mangrove disparait. Le visage de la côte varie ainsi régulièrement mais on ne sait pas encore avec certitude à quelle vitesse, les scientifiques donnent une fourchette de 10 à 20 ans. Dans le centre-ville, les plages de sables ont disparu pour céder la place à la mangrove, infranchissable enchevêtrement de racines, de troncs de feuillage de palétuviers. Asile qui abrite maintenant les fameux ibis rouges.
Depuis que nous avons appris cette triste nouvelle, nous ne regardons plus de la même façon la fameuse plage du Novotel (et si c’était notre « dernière fois »???).