Rencontre à la croisée des chemins: les tortues luth

Deuxième épisode de notre série sur les tortues luths. Cette fois-ci, nous rencontrons les mamans tortues luth.
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ponte tortue luth
Ponte de tortue Luth

Notre rencontre avec les bébés tortues luth nous a largement donné envie de participer à une séance d’observation de ponte de tortues luth. Aussi c’est avec un grand enthousiasme que nous nous sommes inscrits à une sortie encadrée par l’association Kwata. Cette association est spécialisée, entre autres, dans l’observation des tortues luth et leur protection en Guyane. Dans le cadre de la période estivale, la Mairie a demandé à cet acteur local d’organiser des séances collectives d’observation sur la plage du Novotel à Cayenne. Attention cet endroit n’est normalement pas recommandé le soir et la nuit pour des raisons de sécurité, et il vaut mieux y aller en groupe.

plage au clair de lune
La plage au clair de lune

Au fur et à mesure que la nuit prend place, l’excitation augmente parmi les observateurs, accentuée par les commentaires qui nous sont fournis par les animateurs. Avant même d’apercevoir la fameuse tortue, nous savons déjà tout d’elle ! Pourquoi l’avoir appelé la tortue « luth » tout d’abord ? Car sa dossière n’est pas sans rappeler la caisse d’un luth, instrument à la mode lors de la découverte de ce reptile. Pourquoi les tortues viennent-elles pondre aussi loin de leur lieu d’habitat  qui est en Amérique du Nord, au large du Canada et de Saint-Pierre et Miquelon, soit plus de dix mille kilomètres ? Parce que le climat tropical est propice à l’éclosion des œufs. Et en plus, la température du sable dans lequel les oeufs sont enterrés détermine le sexe de la tortue (au-dessus de 29 degré, tu naîtras femelle!).  Et ces grandes voyageuses ont tous les atouts de leur côté pour effectuer ces grandes migrations (uniquement pendant leur cycle de reproduction qui a lieu tous les 1, 2 ou 3 ans) : plus grosse tortue marine (en moyenne 400 kg pour une taille de 2 mètres), elles n’ont guère que l’orque et le requin comme prédateurs marins. De plus, quand le danger se fait pressant, l’absence de carapace ou d’écaille leur permet d’effectuer des descentes à plus de 1000 mètres de profondeur tandis que leur appareil respiratoire leur autorise à rester plusieurs heures en apnée. Peu difficiles, elles se contentent de méduses comme nourriture principale, présentes partout peu importe le climat et surtout peu prisées des autres espèces marines ! L’information de leur déplacement a pu être recueillies grâce aux balises Argos posées sur ces tortues, ayant pour finalité non seulement la connaissance du reptile (sachant qu’elles passent 99 % de leur temps en mer) mais aussi la proposition d’actions de conservations plus efficaces.

tortue luth de nuit
Une tortue luth dans la nuit guyanaise

Dans la nuit guyanaise, commencent alors les incessants allers-retour sur la plage, les fausses alertes… et la déception… aucune tortue ne viendra pointer le bout de sa carapace ce soir-là ! Mais la richesse des informations transmises par l’association valait largement le détour.
Décidés à ne pas nous laisser abattre par cette première sortie ratée, nous renouvelons l’expérience quelques jours plus tard (tout seul cette fois-ci) sur la plage des salines à Rémire-Montjoly, bien plus sûre la nuit. Nous l’appellerons la nuit « des tortues », car seulement une ou deux heures après la tombée de la nuit, juste après avoir avalé notre pique-nique nous avons assisté à de nombreux va-et-vient de tortues (à la fois luth et olivâtre). La pleine lune ce soir-là aura largement contribué à améliorer le spectacle. Plusieurs émergences de bébés tortues luth nous feront patienter jusqu’à l’apothéose… un gros rocher qui se déplace lentement dans la mer, c’est bien notre tortue ! A une distance d’une centaine de mètres, il n’est pas possible de la rater, tellement elle est énorme ! Une bénévole Kwata encadre l’événement afin de ne perturber le moins possible ce nouveau cycle de vie. Entre le moment où la tortue sort de l’eau, pour se hisser péniblement et lentement sur le haut de la plage et celui où elle replonge dans l’océan, il faut compter facilement 3 heures, alors gare aux impatients ! Se déplacer sur le sable n’est d’abord pas chose facile pour cette gigantesque tortue marine, chaque deux-trois mètres, elle fait une pause reprend son souffle pour repartir de plus belle sur le haut de la plage à l’aide de ses membranes.

tortue olivatre
Tortue Olivâtre dans le fleuve Montsinnery

Lorsque l’endroit lui sied (c’est-à-dire lorsqu’elle atteint la plage qui ne sera jamais recouverte par la marée), commence alors un autre rituel : la préparation du nid. Méticuleuse, voire à la limite de la maniaquerie, la tortue, à l’aide de ses membranes avant va d’abord dégager le trop plein de sable autour d’elle afin de pondre sur une surface plane. Puis, se servant de ses membranes arrières comme d’une pelle, elle va creuser son nid jusqu’à 80 cm de profondeur environ, jusqu’à ce que ces membranes ne puissent plus atteindre le fond du trou. Le moment tant attendu approche : la ponte ! Malheureusement, il ne faut pas espérer voir grand chose, car par pudeur ou par protection pour ses œufs, les membranes arrière de la maman cache le spectacle étonnant de la ponte. Les œufs des tortues luth étant souples, pas de risque de casse de la hauteur où ils sont pondus. Il conviendra tout de même de rester patient et surtout très attentif, car une centaine d’oeufs plus tard et il sera possible d’apercevoir pendant quelques secondes à peine la ponte miraculeuse avant que la maman ne commence à recouvrir son nid de sable. Puis, dernière étape avant de quitter ses futurs bébés, il s’agit de camoufler le nid. Toujours à l’aide de ses membranes, la maman brasse le sable d’un telle façon qu’il est impossible de deviner qu’une ponte de tortue luth s’est déroulée à cet endroit précis. Pendant toute la ponte, la maman tortue semble pleurer : peut-être à l’idée de laisser ses petits, dont la ponte lui aura causé tant de sacrifices, de danger et de souffrance ? Il s’agirait d’une belle image, mais le liquide qui sort de ses yeux est surtout destiné à la protéger du sable. Cette importante tâche accomplie, la maman luth ne s’octroie aucun repos, la voilà déjà repartie par monts et par vaux…Pendant la saison des pontes, cette opération se reproduira plusieurs fois pour la maman tortue (environ tous les 10 jours), histoire de ne pas s’être déplacée pour rien…

Quant à nous, nous avons à peine le temps de nous remettre de ces instants magiques que déjà d’autres tortues se hissent sur la plage, des olivâtres cette fois-ci, soit la plus petite tortue marine (36 kg pour 70 cm). Beaucoup plus agile et rapide que la luth (mais plus peureuse également du fait de sa taille, il faut se faire encore plus discret), la tortue olivâtre emprunte pourtant le même rituel que la luth pour pondre. Beaucoup moins impressionnante que la luth, cela lui permet de bénéficier finalement de bien plus d’intimité…

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