Avant même notre arrivée en Guyane, nous étions curieux de découvrir les fameuses tortues luth. Mais trop absorbés par notre installation, nous avons d’abord boudé ce personnage si important en Guyane. Ce n’est pourtant pas faute de nous en avoir parlé : pendant la saison de pontes (mars à juillet), la tortue luth est dans toutes les conversations.
Notre première rencontre fut le fruit du hasard : un soir vers 18h, alors que nous nous promenions sur la plage des salines à Rémire-Montjoly, nous avons été attiré par un attroupement de personnes. C’est alors que nous avons assisté à notre première « émergence », lorsque les bébés tortues sortent de leur nid, sous le sable. Il s’agit de l’étape après l’éclosion des oeufs, le nid se trouvant à 80cm de profondeur, il faut plusieurs jours aux bébés tortues pour « émerger » : sortir de leurs œufs, puis entreprendre l’ascension collective vers la surface du sable et enfin attendre le moment opportun pour connaître l’air libre (en général pendant les heures fraîches ou après la pluie). Comment elles se nourrissent et s’hydratent pendant ces quelques jours restent un mystère de la nature…
Dès que les bébés luth pointent leur nez dehors, ils se fraient immédiatement un chemin vers la mer, en écho à leur instinct d’orientation impressionnant et une détermination sans faille. La distance à parcourir pour atteindre la mer est longue et pénible pour ces petits êtres qui viennent à peine de naître. En effet, pour leur donner une chance de vivre, les mamans tortues pondent sur la partie sèche de la plage, pour que les œufs ne soient pas inondés par la mer et ne pourrissent pas. Leur parcours jusqu’à la mer peut en plus être perturbée par les chiens errants (ou autres prédateurs, tels que les urubus, les crabes ou les reptiles) qui apprécient ce mets de choix. Si l’émergence a lieu dans la nuit, ce sont les lumières des maisons qui bordent la plage qui font obstacle à leur destinée. Attirés par la lumière, ils sont totalement désorientés, et tournent le dos à la mer. Au petit matin, on les retrouve perdus dans les hautes herbes près des maisons. C’est pourquoi pendant toute la période d’émergence (mai à septembre, l’éclosion des œufs intervenant deux mois après la ponte), des bénévoles de l’association Kwata sillonnent toute la nuit la plage de Rémire-Montjoly pour protéger les bébés (ainsi que la ponte des tortues). Il leur faudra ensuite franchir la barrière des vagues, après plusieurs essais, les bébés comprennent vite comment à se faufiler entre les rouleaux (il faut imaginer la taille de la petite tortue : à peine une main de femme).
On comprend alors pourquoi il est si important de ne pas perturber leur progression vers la mer (en les rapprochant par exemple) : car c’était l’échauffement avant d’affronter les courants marins ! Nous retenons tous notre souffle : va-t-elle y arriver cette fois-ci ? Grande acclamation dans la foule ! Mais, une fois dans l’eau, les dangers ne sont pas écartés pour autant, car ces petites tortues luth font le régal des machoirans qui guettent leur proie aux bonnes heures à quelques mètres du bord de l’eau. Au final, le taux de mortalité reste très élevé pour ces bébés luth. Quant à savoir où elles vont d’un air si déterminée… Personne ne le sait ! Les bébés tortues sont trop petits pour être équipés d’une balise Argos comme leur maman. En tous les cas, ce qui est sûr c’est qu’elles garderont en mémoire ces premiers instants de leur vie puisqu’à l’âge adule, elles y reviendront pour pondre…
7 comments
Merci pour ce billet plein d’émotion, on a envie de partager le cri de joie quand le bébé tortue atteint la mer !
J’ai déjà eu la chance de nager avec des tortues marines aux Galapagos, mais je n’ai encore jamais vu un bébé sortir de son œuf en quête de la mer, cela doit être une belle expérience 🙂
Amandine@Unsacsurledos Articles récents..Les 10 raisons d’aimer la Sicile
Émergence, je ne saurais dire pourquoi, mais ce mot a pour moi un côté un peu … mystique je dirais.
Je n’ai jamais eu le privilège d’y assister en vrai, mais rien que de voir ça à la télé ou à vous lire ici, je me vois à penser très fort “allez vas-y, cours, mais cours plus vite punaise, vas-y !”. Est-ce qu’elles m’entendent, j’en doute. Mais qui sait ?
Laurent Articles récents..Pano 360 : la médina de Chefchaouen
@Amandine@Unsacsurledos – C’est un moment plein d’émotion que de les suivre dans leur lutte. La moindre aspérité de la plage se transforme en sommet à gravir au prix de beaucoup d’efforts. Au Galapagos, tu nages avec les tortues comme avec des dauphins?
Claire et Guillaume Articles récents..Rencontre à la croisée des chemins: les bébés tortues luth
@Laurent – On les soutient comme on peut ces petites tortues… Et l’envie est grande de vouloir les prendre dans les mains pour les relâcher 10m plus loin… Mais il ne faut pas interférer avec la Nature.
Claire et Guillaume Articles récents..Rencontre à la croisée des chemins: les bébés tortues luth
J’ai eu la chance d’assister à ce magnifique spectacle au Brésil sur les berges de sable du rio Purus, c’est fou comme on peut être captivé par le parcours du combattant qu’entreprennent ces si petites créatures.
Merci pour ton retour, c’est vrai que c’est un spectacle incroyable, on ne peut qu’admirer ces toutes petites tortues qui partent, déterminées, vers un destin qui nous est inconnu…