Révisions sur la traite négrière

Place Schoelcher - Cayenne
Place Victor Schoelcher (défenseur de l’abolition de l’esclavage) – Cayenne

Première épisode d’une série qui s’annonce sans doute longue, nous commençons donc à parler de l’esclavage en Guyane. Si vous étiez là au début de notre tour du monde, vous vous souvenez que nous avions visité l’île de Gorée au Sénégal, un lieu chargé d’histoire et d’émotions. Sous ses apparences d’île endormie à l’ombre des baobabs s’y déroula un des sombres épisodes de l’histoire de l’humanité. C’est à partir de lieu comme l’île de Gorée que partaient les bateaux négriers remplis d’esclaves avec pour destination l’Amérique et la Caraïbe. D’ailleurs, on retrouve cette ambiance d’île paisible aux îles du Salut qui accueilla le bagne guyanais pendant un siècle, cachant sous des atours paradisiaques un triste passé. Etrange capacité qu’ont les îles à soigner les cicatrices du passé.

Dans l’économie du commerce triangulaire ou traite négrière, la première pointe était formée par les ports de la façade atlantique : Nantes, La Rochelle, Le Havre et Bordeaux entre autres. Le port de Nantes a été le port le plus actif dans la traite négrière française avec près de 1400 expéditions sur toute la période (soit 42 % de la traite française) et qui a transporté 550 000 esclaves. Sur le quai de la Fosse, les bateaux se chargeaient de tissus précieux, d’armes ou d’alcool avant de faire route vers les côtes de l’Afrique de l’Ouest et de rejoindre des lieux comme l’île de Gorée ou Saint-Louis. Aujourd’hui et depuis mars 2012, ce quai héberge le Mémorial de l’abolition de l’esclavage, un lieu de réflexion et de mémoire qui se veut sobre en reprenant des citations de personnages célèbres : Senghor, Césaire, Luther King.

Un exemple d’exploitation: l’habitation Loyola (jésuites)

Un fois les cales pleines des esclaves achetés en Afrique, les navires français faisaient principalement route vers la Caraïbe et particulièrement l’île d’Hispaniola (Saint-Domingue et Haïti). Les colonies étaient tenues de consommer français et donc d’acheter leurs esclaves aux bateaux français. Sur les 1,6 millions d’esclaves transportés par les armateurs français au cours de l’histoire, 600 000 furent débarqués sur l’île d’Hispaniola, la perle des Antilles. La part de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Guyane est dans une certaine mesure moins importante. A noter qu’il y avait aussi du commerce sur la cote indienne de l’Afrique avec l’île Bourbon (la Réunion)  et l’île de France (Maurice). Ils y seront vendus pour travailler dans les plantations de café, de sucre, ou comme domestiques. Avec l’argent de la vente réalisée, les capitaines achètent de quoi remplir à nouveau les cales : café, sucre et cacao, matières premières qui à leur tour seront revendues à prix d’or en Europe.

Monument des Chaines brisées – Cayenne – En mémoire aux victimes de l’esclavage

En 1848, ce sont 13 000 esclaves qui sont libérés, pour une population guyanaise totale de 19 000 habitants. Une des conséquences directes est la faillite d’un grand nombre d’exploitations. Mais heureusement, Napoléon III trouve une solution pour pallier à ce manque de main d’oeuvre bon marché tout en assainissant les bas-fonds glauques de la métropole: le bagne ! Et dès 1852, les îles du Salut voient débarquer les premiers bagnards et permet de relancer l’économie de la colonie. Parallèlement, des indiens et des chinois sont recrutés sur la base d’un contrat de 5 ans. Mais à l’issue de celui, ils préféreront tenter leur chance en allant chercher de l’or dans la jungle plutôt que de travailler pour un salaire de misère dans les plantations. Ce n’est que le 10 août 1848 que l’esclavage est officiellement aboli en Guyane, soit plus de trois mois après la publication du décret en métropole. Il fallait laisser le temps de ramasser les récoltes de canne à sucre !

Depuis 2001, l’esclavage qui fit tout de même 13 millions de victimes et dont les séquelles se font encore sentir aujourd’hui, est reconnu comme un crime contre l’humanité et c’est une député guyanaise – Christiane Taubira – qui en fut la rapporteuse à l’Assemblée. D’ailleurs, la loi porte son nom.

Mémorial de Nantes :http://memorial.nantes.fr/