Dans un article précédent de présentation générale de la Guyane où nous parlions du cosmopolitisme du territoire et du potentiel de ce territoire pour accueillir des séjours linguistiques grâce à la richesse des langues entendues dans la rue. Nous avions abordé rapidement l’immigration de Hmong dans le petit village de Cacao et il est temps maintenant d’en parler plus longuement puisque Cacao fut notre première escapade hors de Cayenne. Les Hmong ou Miao sont une ethnie chinoise du Sud du pays ayant fui la sinisation des Han et qui trouvèrent refuge dans les montagnes du Laos et du Vietnam. Au moment de la guerre d’indépendance du Laos, les Hmong prirent partie pour le colonisateur français. Bien mal leur en prit, ils participèrent notamment à la bataille de Dien Bien Phu. Quand les français se retirèrent, les américains les enrôlèrent pour combattre les communistes au Vietnam. En 1975 avec l’avènement des communistes au Laos, ils sont considérés comme traîtres et persécutés. Certains arrivent à fuir et se retrouve dans des camps en Thaïlande. Ils parviennent tout de même à obtenir l’asile politiques aux USA (env. 10 000 personnes) et en France (env. 1000, près de Nîmes notamment).
Aujourd’hui encore, les quelques Hmong qui restent dans les forêts sont traqués et exterminés par l’armée laotienne. Ceux qui fuient en Thaïlande sont, quant à eux, parqués dans des camps de prisonniers en attendant d’être parfois renvoyés au Laos. D’ailleurs, c’est grâce à une expo photo des Rencontres Photographiques de Guyane et au travail de Philip Blenkinsop que nous avons connu l’existence de cette guerre secrète.
C’est donc une centaine de famille qui en septembre 1977 posa ses valises à l’aéroport de Cayenne-Rochambeau. Pour ne pas engendrer de tension raciale et leur permettre de s’habituer à leur nouvel environnement, on leur alloua 1400 hectares de forêt à 70km de Cayenne avec pour mission de développer l’agriculture. Le site avait précédemment accueilli une plantation de cacao qui lui donna donc son nom puis quand l’exploitation périclita, un bagne s’installa là. Mais en 1859, il ferma pour cause d’insalubrité, c’est dire l’hostilité du territoire qu’on leur offrit… On peut voir dans cette opération une belle preuve du cynisme de l’Etat français : sous couvert de réaliser une geste philanthropique en accueillant ces réfugiés, il se trouve une main d’oeuvre pas chère pour peupler et aménager un territoire qu’il a toujours eu du mal à remplir. Les Hmong bâtirent donc le village de leurs propres mains, défrichèrent les terrains et cultivèrent la terre. Après une période d’adaptation, les premiers excédents alimentaires furent dégagés au début des années 90. Aujourd’hui se sont 25 tonnes de produits qui sont expédiés chaque semaine à Cayenne et les besoins en agrumes sont quasiment intégralement couverts.
Quoiqu’il en soit, 36 ans après, les Hmong sont bien intégrés dans le paysage guyanais, puisqu’ils ont entre leurs mains la quasi-intégralité des cultures vivrières du territoire. Il y a aujourd’hui trois autres villages Hmong en Guyane : Javouhey, Roccocoua et Corrossony. Les Hmong sont aujourd’hui une fierté pour le territoire, l’exemple que le travail et l’abnégation viennent à bout des difficultés rencontrées avec, en plus, cerise sur le gâteau, une intégration réussie.
Mais bon, maintenant que le décor et le contexte sont placés, tout ça ne nous dit pas que faire un dimanche à Cacao ?
Pour approfondir le sujet sur le site des anciens et amis de l’Indochine : bit.ly/14JUEyB