Depuis quelques semaines, nous ne boudons pas notre plaisir de faire connaissance avec ce territoire d’Amérique du Sud. Si notre voyage en Patagonie en 2009 avait été le déclencheur de notre tour du monde, notre installation en Guyane a plus été le fait de l’heureux hasard ce qui nous réserve plein de surprises. Il y a quelques jours nous publions un article sur les difficultés qu’il y avait à « s’échapper » de la Guyane mais paradoxalement nous avons rarement rencontré un territoire qui soit autant une terre d’asile.
Plus que tout autre chose, et avant de s’aventurer dans la forêt amazonienne, ce qui marque en arrivant en Guyane est la grande richesse des gens que l’on peut croiser dans la rue. On dénombre entre 109 et 117 nationalités différentes pour seulement 260 000 habitants sur tout le territoire. En conséquence, les étrangers représentent près de 40 % de la population. Aujourd’hui dans les rues de Cayenne, il n’est pas rare d’entendre de l’espagnol, du portugais et biensûr le créole puisque la part la plus importante de la population est constituée de créoles.
Encore plus qu’en métropole, l’histoire de l’immigration et du peuplement de la Guyane est révélatrice de l’histoire du continent. Au commencement, les amérindiens étaient là, peuplant le littoral, puis les colons européens débarquèrent. Aujourd’hui la population amérindienne française est estimée à 6 000 membres répartis en six nations. Dans la valise des colons, ils amenèrent avec eux des esclaves noirs pour travailler dans les plantations de cacao et café. Certains s’échappèrent des plantations surinamaises pour aller se réfugier dans la forêt, notamment le long du fleuve Maroni. Ces Neg’marrons ou Bushinengue recréèrent alors des sociétés basées sur les croyances africaines dont les traditions avaient perduré grâce à l’oralité. A l’abolition de l’esclavage, pour combler le manque de main d’oeuvre, on ramena des indiens (d’Inde) pour garder une main d’oeuvre pas chère. Mais avec de biens piètres résultats quand à leur adaptation dans ce milieu. A l’instauration du communisme en Chine, quelques cantonnais débarquèrent et de fil en aiguille, ont aujourd’hui le monopole sur le commerce de proximité. Des libanais aussi s’installèrent ici. En 1902, quand la montagne Pelée rentra en éruption, la Guyane offrit l’asile aux martiniquais. En 1977, ce sont des laotiens qui posèrent leur valise ici, véritables harkis asiatiques et leur histoire mérite d’être conté dans un article spécifique. Les Haïtiens qui voulaient échapper à la dictature des Duvalier trouvèrent une terre d’asile en Guyane tandis que les Surinamais y trouvèrent refuge pendant la guerre civile.
Aujourd’hui, la Guyane accueille des réfugiés économiques : Venezuela, Colombie, Pérou,Saint-Domingue, Sainte-Lucie. A priori, la Guyane n’est pas une fin en soi mais seulement une étape vers l’Europe continentale, une étape transitionnelle vers l’Eldorado moderne. Il s’agit aussi d’un « second choix », une destination par dépit quand l’immigration vers les USA n’a pas réussi. Une des conséquence visible est de voir la présence de bidonvilles de tôles, pardon on doit dire : « d’habitats insalubres » dans les marges de la ville. Les Brésiliens n’ont qu’un fleuve à traverser pour être en Europe, et d’ailleurs la frontière montre sa porosité puisqu’elle est allègrement et quotidiennement traversée par les orpailleurs illégaux. A ce melting-pot bouillonnant, cette mosaïque de peuple, il faut rajouter les 10 % de la population constituée de métropolitains (ou métro) qui viennent travailler quelques années en Guyane.
Nous avons bien conscience que ce n’est pas en deux semaines de résidence ici que nous allons comprendre l’immigration en Guyane mais cet article sert avant tout d’introduction – nous l’espérons – à tout une autre série d’articles plus approfondis au fur et à mesure de notre intégration dans la société guyanaise.