Cet article est publié dans le cadre de l’opération “Unis pour un tourisme alternatif”. Orchestrée par Voyageurs du Net et parrainée par Voyageons-Autrement, ABM, Babel Voyages, EchoWay et Viatao, cette opération vise à promouvoir dans la blogosphère le tourisme alternatif et responsable.
L’initiative mise en place par Michaël et Kalagan de Voyageurs du Net nous invite donc à nous interroger sur ce qu’est le tourisme alternatif. La question est vaste et il y a peu d’espoir de pouvoir trouver aujourd’hui une réponse définitive. Elle amène tout du moins à se pencher sur la question et avec le recul du retour de mettre en valeur ce que le voyage alternatif nous a apporté pendant notre tour du monde.
Il convient d’abord de préciser le sens que nous avons donné à alternatif durant ce voyage. Dans notre cas, il n’a pas été question d’exploit sportif ni aventureux. Nous n’avons pas défié les Grands Voyageurs mais seulement suivi les routes du tourisme mondial, emboitant nos pas dans ceux de milliers d’autres touristes. Ce n’est donc pas l’itinéraire qui nous a apporté le caractère alternatif mais bien ce que nous mettions dans notre vie quotidienne de voyageurs nomades.
Vous, vous avez la montre ; et nous, nous avons le temps
Dans un tour du monde, l’alternative au tourisme de masse vient d’abord du Temps que nous nous accordons pour voyager. Le rapport au temps n’est obligatoirement pas le même et pour autant, personne n’est à blâmer. Je cite souvent ce proverbe que nous avons rencontré très tôt dans le voyage, au Sénégal notre première destination, que nous aurons fait nôtre et qui au final nous aura accompagné tout du long : « Vous, vous avez la montre ; et nous, nous avons le temps ». Ré-apprendre, se ré-éduquer à avoir le temps prend du temps, ce n’est plus un réflexe inné mais bien quelque chose que nous avons perdu et qu’il faut apprivoiser à nouveau. A la lumière de ce fait, il apparaît que le voyage en cargo a servi de sas de décompression. Nous nous sommes donc ré-éduqués grâce à de longues journées à guetter un hypothétique dauphin dans l’océan Atlantique. Exercice de patience vain tant les voies de navigation sont de véritables autoroutes à cargo. Il doit y avoir autant de chance de voir ce mammifère depuis le cargo que d’apercevoir un lapin traverser une 4 voies. Nous n’avons eu à aucun moment le regret de ne pas avoir pris l’avion. 8h pour rejoindre Buenos Aires contre un bon mois de voyage en bateau, le rapport est incomparable. Le changement dans l’air se remarquait au fil du temps, imperceptible certes mais quelque chose nous disait que nous nous approchions quotidiennement de l’hémisphère Sud. Une odeur, quelques degrés en plus, la progression sur la carte de la cabine de pilotage ou était-ce l’odeur lourde des orages sur la côte brésilienne? Le temps nous a aussi joué des tours: trois jours d’attente interminable pour qu’une place se libère dans le port de Rio de Janeiro, le temps se languissait dans la baie de Guanabara autant que nous sur le bateau. Agréable torture: Rio miroitant à l’horizon encore vrombissante des rumeurs du carnaval et nous de l’autre côté du bastingage, la salive aux lèvres de l’impatience de mettre pied à terre.
Le rapport aux choses et aux gens s’en trouve modifié
Au quotidien, la liberté nait de l’absence de contraintes, peu ou prou de calendriers ou d’horaires à respecter. Parfois quelques bus se mettent pourtant au diapason de notre rythme d’escargots, des heures à attendre au bord de la route qu’ils passent ou veuillent bien redémarrer suite à la panne. S’abandonner, laisser couler, ou glisser entre ses doigts les grains du sablier, alangui dans la torpeur de la mousson thaïlandaise. Avons-nous réellement passé deux semaines à Kanchanaburi ? Ou encore 10 jours sur l’île de Pâques alors que la majorité des personnes n’y séjourne que trois petits jours ? Des journées à pédaler contre le vent pour faire le tour de l’île alors que nous aurions pu tout voir en une journée et en louant une voiture. Le rapport aux choses et aux gens s’en trouve modifié, et sommes ainsi plus réceptifs à ce qui nous entoure. Observer la vie quotidienne de Katmandou qui se déroule sous nos yeux depuis l’un des temples de Durbar Square restera comme l’un de nos meilleurs souvenirs. Postés en hauteur, nous observions le petit théâtre de la vie se dérouler à nos pieds. Véritables démiurges, nous inventions des dialogues, des histoires de vie à ces personnages, essayant de comprendre les tenants et les aboutissants des relations qui se nouaient et se dénouaient sur la place. Au regard extérieur, ces petits riens comme dirait Trondheim apparaissent dérisoires et comme une perte de temps. Nous n’avons pas été productifs, notre activité ne se mesure pas en temple ou en musée visités mais bien en rêveries produites. Nous aurions sans doute aimé que le voyage ne soit qu’une suite d ‘instants perdus de cette manière.
L’alternative est aussi passée par une implication régulière dans des associations de protection de l’environnement, auprès d’une école française ou aussi au travers de tous ces réseaux sociaux de solidarité/entraide qui replace l’individu au centre des préoccupations. Nous reviendrons sans doute dans un autre article sur ce que nous ont apportées ces expériences mais pour revenir à l ‘élément déclencheur de ces quelques actions a été le fait de redevenir maitre de notre temps.