Nous avons toujours confondu le bœuf Stroganoff et Michel Strogoff, le héros de Jules Verne. Heureusement, nous n’avons jamais commandé l’un à la place de l’autre mais ce voyage en Russie aura été l’occasion de se pencher un peu sur ce plat typique. Pour faire cette recette, rien de compliquer, il faut faire revenir des émincés de bœuf et y ajouter de la crème fraiche, des oignons, du paprika et des champignons. La première occurrence dans un livre de cuisine russe offre une variante avec des cubes de viande, de la moutarde, un bouillon mais sans oignon ni champignon. Généralement, ce plat est accompagné de pommes de terre sautées.
Une famille liée à l’Histoire d’un pays
L’histoire des Stroganoff est intimement liée à celle des Tsars de Russie. Elle débute au XIVème siècle avec Spiridon Stroganoff. Il fait partie de la paysannerie libre et construit la richesse de la famille à partir de l’exploitation du sel. En 1448, ils se font déjà les banquiers du pouvoir moscovite puisqu’ils payent aux Tartars une rançon de 200 000 roubles pour la libération du Grand-Duc de Moscou. Lorsqu’Ivan le Terrible entreprend la colonisation de la Sibérie, il leur octroie d’immenses territoires. Tirant des revenus de leur patrimoine, ils deviennent naturellement les banquiers des Tsars. Ils diversifient au maximum leurs investissements et on les retrouve dans les fourrures, les mines, les forges, les chantiers navals. En 1722, c’est la consécration puisque Pierre le Grand les anoblit pour services rendus à la patrie. Il est frappant de remarquer que la lignée des Stroganoff s’éteint finalement peu de temps après l’avènement du communisme. Sergueï Alexandrovitch Stroganoff disparaît en 1923 à Nice. Le régime communiste en 1931 se chargera par une énorme vente aux enchères de liquider les biens de la famille. Les collections d’art accumulées au cours de ces siècles d’ascension sociale serviront à alimenter les musées nationaux. Aujourd’hui la fondation Stroganoff s’attache à réhabiliter le patrimoine familial.
Un plat globe-trotter
Il est difficile de retrouver la paternité du fameux bœuf Stroganoff, deux comtes de la famille Stroganoff la revendique : Alexander Grigorievitch et Pavel Alexandrovitch. Ce qui est sûr, c’est que les deux versions de l’histoire impliquent le trait de génie d’un cuisinier français qui aurait adapté une traditionnelle fricassée de bœuf pour créer ce plat. Une tradition de la noblesse russe voulait alors qu’on attribue à des plats le nom de l’aristocrate initiateur de la création culinaire. Le plat va ensuite traverser les siècles et suivre les pérégrinations des russes à travers le monde. Lorsqu’en 1917, les Russes blancs se réfugient en Chine et particulièrement à Haerbin, les Chinois l’adoptent et l’adaptent aux coutumes locales en y rajoutant des épices et en remplaçant les patates par du riz. Il continue son tour du monde en accompagnant les soldats américains stationnés en Chine et qui rentrent aux Etats-Unis. De là, un saut de puce le fera revenir en Europe. Partout où il passe, les gens lui apportent leurs petites touches locales, ce qui fait qu’il n’y a pas une recette de bœuf Stroganoff mais des centaines. Et c’est pour cette raison que nous apprîmes rétroactivement le pourqoi de la présence du bœuf Stroganoff à la carte des restaurants chinois.
La fondation Stroganoff : http://stroganofffoundation.org/