Voilà nous y sommes donc, lundi 2 avril 15h30 heure de Moscou sur le quai de la gare de Vladivostok à attendre le mythique trans-sibérien. Dans la nuit fraiche de l’extrême-orient russe, deux phares pointent à l’horizon. Nous faisons ainsi connaissance avec la grande ponctualité des trains russes. Ce n’est pas qu’un simple voyage en train, c’est aussi déjà un peu le retour en France qui s’esquisse en toile de fond. Ce sera aussi la première fois que nous vivrons dans un train pendant trois jours complets. Ce retour en train résonne comme un écho du voyage en cargo qui avait ouvert notre tour du monde, quand le mode de transport se confondait avec le voyage en soi. Trois jours donc dans ce huis-clos roulant et nous ne pouvons nous empêcher de penser au Crime de l’Orient-Express, même si c’était dans un autre train à une autre époque. Le train no.007 à destination de Novossibirsk s’arrête dans un crissement en face de nous. Nous nous précipitons comme nous le pouvons, alourdis que nous sommes par les sacs de provisions qui se sont joints à nous pour la suite du voyage, à la recherche de notre wagon. Premier contact avec le prodvonista (le responsable du wagon/ le stewart) qui nous accompagnera tout le long du voyage. Nous apprendrons de lui que ces sourires sont comme son vocabulaire en anglais: rares! Passé l’épreuve de présentation du billet et du passeport, nous nous ruons donc – tant bien que mal avec nos sacs- à l’intérieur du train pour nous engouffrer dans notre compartiment.
Nous sommes loin du charme suranné de l’Orient-Express et d’Hercule Poirot. Nous avons plus à faire à une décoration des années 60: faux lambris, lumière blafarde, couchettes en sky. Pour ce premier trajet à bord du transsibérien, nous avons quand même choisi une couchette en 2ème classe (Kupeyni) et nous ne sommes que 4 passagers par compartiment. Matelas, draps, couverture et serviettes de bain nous sont fournis. En ce qui concerne la nourriture, l’expérience de notre voyage en Chine et de toutes ses heures passées dans des trains, nous a appris qu’il nous fallait toujours nous munir de quelques soupes de nouilles lyophilisées. Chaque wagon possède un samovar qui distille son eau chaude à qui la veut, idéal pour les soupes, nouilles, purée, café, thé. D’un point de vue pratique, il n’y a pas de douches et si dans les trains chinois nous n’en avions pas eu besoin, il faudra bien ici trouver une solution. Les toilettes sont assez larges pour pouvoir entreprendre sereinement une toilette de chat en bonne et due forme. Ajouter à cela l’action de quelques lingettes et ça devrait être suffisant. La prodvonista (elles sont en fait deux par wagon) veille à ce que tout reste propre et elle les nettoie au moins deux fois par jour.
On passe la journée en pyjama
Le train se met en branle à l’heure exacte et voilà lancé notre retour vers la vieille Europe, inexorable, inébranlable. Dans la nuit russe, nous distinguons à peine le paysage et bientôt le tendre roulis de la mécanique hors d’âge a tôt raison de nous et nous ne résistons pas à l’appel de la couchette en sky.
Au matin le paysage de l’extrême-orient s’offre à nous: triste. Les couleurs du printemps n’ont pas encore repris le dessus sur celles de l’hiver même si la neige a fondu depuis quelques jours. Mais qu’importe, nous dévorons quand même ce qui se présente à nous: les maisons en bois, les quelques forêts de hêtres ou de bouleaux, les rivières gelées et les gares qui rythment notre progression à travers la toundra. Nous partons explorer le train. D’après les regards qu’on nous lance, ce n’est pas trop dans les usages si ce n’est pour se rendre au wagon restaurant. Nous découvrons la première classe (2 couchettes par compartiment): RAS, mais surtout nous pénétrons dans la troisième classe (plazkart), celle sur laquelle nous avons entendu les pires histoires. En Plazkart, il n’y a pas de compartiment fermé et deux couchettes dans le couloir placés dans le sens de la longueur en face de chaque lot de quatre lits. Il faut savoir éviter le piège des pieds qui dépassent des couchettes trop petites. Dans la moiteur de l’après-midi (plus de 28ºC à l’intérieur du wagon), chacun est affalé sur son matelas dans un état comateux dans la plus petite tenue. Car pour voyager trois jours durant, il est impératif de se mettre à l’aise et point de pudibonderie à rester toute la journée en pyjama ou torse-nu en short-claquette.
Les pauses deviennent synonymes de nouvelles expérimentations culinaires
Un wagon privé s’est joint à nous. Du quai, nous espinchounons (espionner en patois) l’intérieur: écran plat, cuisine privée mais le reste du wagon nous est caché à la vue. D’ailleurs, il ne faut pas longtemps avant qu’on nous fasse comprendre qu’il est mal poli de reluquer. Les pauses sont rares et sont pour nous le moyen de nous dégourdir les pattes. Le train s’arrête plusieurs fois par jour quelques minutes dans les gares que nous traversons mais nous ne sommes autorisés à descendre sur le quai seulement lors des trois grandes pauses quotidiennes (matin, midi, soir et au maximum 30 minutes). La prodvonista veille alors sur nous tel un chaperon et ne sommes autorisés à nous éloigner du train seulement s’il reste au moins 10 minutes. L’état de léthargie dans lequel nous plonge la chaleur oisive du train s’évapore au contact du froid revigorant de ce début de mois d’avril. Un ballet – russe – se met en place à chaque nouvel arrêt. Les uns sortent en tong-short pour fumer une cigarette tandis que d’autres se ruent sur les magasins en bordure de quai pour faire le plein de provisions: pain, bière, vodka, chips, soupes lyophilisées, quelques malheureux fruits perdus là. Heureusement parfois ces épiceries sont remplacées par des babouchkas (grand-mères) venues vendre leur production: blinis (crèpes), beignets, oeufs, saucisses, poissons séchés, et parfois de l’artisanat. C’est pour nous l’occasion de faire connaissance avec les spécialités locales. Et les pauses prennent d’autant plus d’importance dans nos coeurs qu’elles deviennent synonymes de nouvelles expérimentations culinaires.
Cependant pour d’autres le travail ne s’arrête pas, la prodvonista vide les poubelles, nettoie les cendres de charbon du samovar alors que les techniciens refont le plein d’eau et s’assurent que tout va bien. D’ailleurs à chaque pause longue un étrange rituel se met en place: une armée d’hommes orange joue des percussions sur le châssis du train afin de s’assurer de l’absence de Dieu sait quel problème, un son qui deviendra peu à peu le leitmotiv de ces pauses.
La suite du récit ici.
13 comments
enfin voilà la suite des aventures de nos globe-trotter.Vous avez dû être heureux de dormir dans le ciel;nous nous contentons de skaï!
Et que dire de votre appétit pour dévorer autant :les paysages les forets ect..
Enfin treve de plaisanteries, vous trouverez ci-dessous un lien pour vous donner de nouvelles idées de voyage …
Continuez à nous faire rêver par procuration
http://www.midilibre.fr/2012/07/09/plus-de-trois-cents-caravanes-de-gens-du-voyage-s-installent,530996.php
Le train 007….
Ne serait ce pas “Bon baisers de Russie” ?
Trois jours en train!!!
Doit on faire abstraction des “parfums”?
A vous suivre…
Il manque un S à Bons!
“Bond, James Bond…”
Bises
@gilbert – Ah merci pour l’orthographe correcte, un peu de flemme intellectuelle ne nous avait pas poussé à chercher la forme correcte !
Claire et Guillaume Articles récents..Le transsibérien: Vladivostock – Irkoustk (1ère partie)
@JPGB – Ah on cherchait un jeu de mots avec ce nom de train!!! Merci !
Dans cette partie du voyage, on gère facilement les parfums, pas de problème!
Claire et Guillaume Articles récents..Le transsibérien: Vladivostock – Irkoustk (1ère partie)
Vladivostok me fait penser à mes cours de géo, quand je regardai une carte et j’essayai de trouver le bout du monde.
Frangi Articles récents..Photos des plus belles plages du monde
Ca devait être difficile trois jours dans ces conditions. J’espère que la suite du trajet a été un peu moins chaude et plus agréable.
@Frangi – C’est pareil pour nous, c’est d’ailleurs ce qui a du nous pousser à faire un détour pour aller voir à quoi ça ressemblait.
Claire et Guillaume Articles récents..Le transsibérien: Vladivostok – Irkoustk (suite et fin)
@Sophie – ah non ça n’a pas été difficile, il faut juste s’habituer à la torpeur.
Claire et Guillaume Articles récents..Le transsibérien: Vladivostok – Irkoustk (suite et fin)
Et bien, on reste surpris tant par la froideur de l’accueil du personnel que par le climat une fois après avoir quitté la moiteur des wagons !
Quel est le type d’histoire qui font si peur que vous avez pu entendre au sujet de la 3ème classe ? (par simple curiosité, mais par une grande!)
Florine Articles récents..Lettonie : tête en l’air, bouche bée, yeux grands ouverts