Minna aura été notre hôte couchsurfer à Pékin et notre séjour à ses côtés aura été d’une grande richesse interculturelle, sans langue de bois aucune! Petit résumé de nos échanges:
Contrairement à ce qu’on nous avait prédit, Minna n’a pas la langue dans sa poche quand il s’agit de parler de politique, de religion, de Tawain ou du Tibet, sujets normalement tabou vis-à-vis des étrangers.
Elle n’hésite pas à dénoncer la corruption omniprésente à toutes les échelles de l’administration chinoise. Elle nous avoue que son entreprise a même une caisse noire pour répondre aux contreparties financières des autorité publiques. Elle nous explique que Tawaïn sera tôt ou tard rattaché à la Chine, car le gouvernement chinois a été assez malin pour rendre l’île totalement dépendante économiquement de ses échanges commerciaux avec la Chine. Elle nous révèle que la Mongolie serait devenue indépendante à la demande de l’URSS, et ce pour servir de pays-tampon entre les deux concurrents communistes, ce qui, selon elle, rend nul l’argument gouvernemental sur l’appartenance territoriale du Tibet à la Chine comme justification de l’occupation du territoire..
Par ailleurs, un condensé des critiques les plus courantes sur le pays sont réunies dans une blague, que Minna nous a conté, qui explique pourquoi la Chine a, jusqu’à présent, été épargnée par des attentats islamistes:
Les terroristes ont essayé de faire sauter un pont de Pékin, mais ils n’ont jamais trouvé ses piliers fondateurs –> pour se moquer des oeuvres des BTP aux proportions gigantesques et mégalo mais absolument pas fonctionnel pour l’usager
Ils ont alors tenté le métro… mais ils n’ont jamais réussi à rentrer dedans! –> à Pékin, il y a des personnes en charge de la bonne circulation des usagers sur les quais. Avant que le métro arrive, on nous fait bien ranger selon les traits marqués au sol. Une fois le métro à quai, à l’aide d’un mégaphone, on nous raisonne pour laisser sortir les gens avant de rentrer dans la rame.
Ils ont essayé de poser une bombe au siège du gouvernement, là où sont concentrés tous les pouvoirs de la Chine … mais, le bâtiment est tellement bien gardé qu’il est infranchissable! –> C’est vrai qu’on a été étonné par le nombre de check-point pour s’approcher de la place Tienanmen que ce soit dans le métro ou à l’air libre, avec détecteurs de métaux, passage aux rayons X des sacs…
Tentative réussie dans un supermarché! Mais au moment d’actionner la bombe avec la télécommande… ils se sont rendus qu’on leur avait volé! –> référence aux nombreux pickpocket qui séviraient dans la capitale (nous n’en avons pas fait les frais)
De rage, ils se sont contentés de faire sauter une petite mine dans le centre du pays avec le maigre bilan d’une centaine de mort… Sauf que, un an après, la presse ne l’a jamais mentionné, aucun communiqué gouvernemental n’a déclaré d’attentat dans la région. Il y a tellement d’accidents dans les mines qui passent inaperçus… –> référence à l’inexistence de liberté de presse et à la rétention d’information gouvernementale mais surtout à l’indifférence générale sur ce qui passe dans les zones rurales. On parlera dans un prochain article de la censure que le gouvernement exerce également sur internet.
Généreuse, elle nous a accueilli comme des “empereurs”, nous cuisinant des bons petits plats et nous enseignant quelques uns de ses ”trucs” pour manger sainement : nous avons ainsi appris qu’on ne peut manger épicé qu’avec du tofu, cette combinaison permettant à notre estomac de bien digérer les épices (ce que l’on vérifiera par la suite). Ou bien qu’il faut attendre une demi-heure avant de pouvoir manger du yaourt à la fin d’un repas. Rien n’est laissé au hasard, elle connait les propriétés de chaque aliment. Et si elle nous a cuisiné des dumplings (un met un peu gras), c’est que c’était la fête du printemps. Bref, elle a mille et une petites combines qui montrent combien les chinois sont attachés à une alimentation saine pour leur corps. Même si leurs rues sont désormais envahies par des fasts-foods…
Mais c’est surtout auprès d’une jeune française, fraichement débarquée de France, qu’elle se montre la plus généreuse. En période d’essai de trois mois dans un cabinet d’architecte, Marine a beaucoup de mal à trouver à se loger sur Pékin. Rencontrée par les hasards du couchsurfing, Minna lui a gentiment proposé de l’héberger le temps qu’elle trouve une autre solution d’hébergement… C’est qu’elle sait ce que c’est que de se retrouver étrangère dans un pays totalement inconnu. Au même âge que Marine (25 ans), elle débarquait en Hollande… C’était la première fois qu’elle quittait le pays. Jusqu’à présent, elle n’en avait jamais eu l’opportunité, mais le désir existait, car il est très compliqué pour un chinois de sortir de son propre pays, et ce même pour un simple séjour touristique. Sans doute pour prévenir une émigration massive, les autorités publiques obligent le candidat au voyage à demander un permis de sortie. Ce dernier n’est délivré qu’avec l’assurance que la personne reviendra dans son pays… Quoi de mieux que de demander de bloquer 10 000 dollars sur un compte en banque pendant la période du séjour à l’étranger! A l’époque, elle ne parlait pas aussi bien anglais que maintenant, elle a donc vécu quelque moments de solitude… jusqu’à ce qu’elle se décide à franchir la porte d’un restaurant chinois de la ville où elle se trouvait. Manque de bol, les propriétaires du restaurant ne parlaient pas mandarin, mais parfaitement le hollandais! Par compassion pour Minna, ils sont allés chercher l’ancienne de la famille… qui ne parlait pas mandarin mais une langue locale de sa ville d’origine: quelle déception! Elle dit s’étonner toujours des chinatowns de l’étranger qui, pour elle, ne reflètent absolument plus le mode de vie de la Chine continentale ni sa culture.
Son rêve est de faire un break d’un an pour voyager… Elle en aurait les moyens financiers, mais il y a pleins de barrières qui l’en empêche… C’est surtout le devoir de subvenir aux besoins de ses parents qui la retient de tout plaquer. En Chine, le système de retraite par répartition est quasi inexistant, et, la plupart du temps, il revient aux enfants de financer les vieux jours de leurs parents. Etant enfant unique, elle porte sur ses épaules le poids de cette responsabilité. En attendant de réussir à sauter le pas, elle s’abime à la lourde tâche de vérifier la solidité des pipelines chargées de transporter le pétrole ou du gaz des sous-sols chinois. Elle s’abime physiquement, d’abord, car elle doit porter ses 20 kg de bouteilles d’oxygène pour travailler. Puis elle s’abime moralement, ensuite, car elle est toujours profondément choquée devant l’énormité des différences de vie entre les chinois de la côte et ceux du centre. Etant très souvent en déplacement, elle apprend à connaitre son pays. Car au-delà des mégalopoles de la côte, il existe un monde rural, immense, si vaste et pourtant inconnu, dont le mode de vie est à des années lumières de l’activité frénétique des villes. Au fil de ses allers-retours, elle voit changer ces lieux hier isolés pour devenir des villes moyennes de province, mais toujours, elle doit s’enfoncer plus loin dans cette Chine qui berce encore notre imaginaire de “terres sauvages”.
Pour communiquer avec tous ses concitoyens qu’elle croise sur sa route, elle a du apprendre à imiter tous les tons distincts du chinois. Nous apprenons ainsi qu’il y a bien une seule langue en Chine mais dont la tonalité diffère d’une province à l’autre jusqu’à devenir incompréhensible pour les uns ou pour les autres. Mais la langue écrite est la même partout. Elle a su ainsi devenir un caméléon du langage en imitant parfaitement l’accent de ses interlocuteurs, même l’anglais avec la touche française!
On lui souhaite sincèrement de franchir le cap.