Le verdict venait de tomber tel le couperet affuté de la guillotine, net et sans bavure, le diplomate russe sans même une pointe d’ironie venait de nous l’annoncer : « Votre visa sera prêt dans une semaine ! ». Lentement les rouages de notre pensée se mettaient en route pour mettre à jour l’affreuse vérité : 7 jours à passer enfermés à Hong-Kong, sans moyen d’en sortir faute de passeport. 7 jours au Chungking Mansions pour reprendre Zebda : « Je crois que ça va pas être possible. ». 7 jours… 7 longues journées à passer dans cette mégalopole dont les immeubles allongés seraient autant de barreaux de prison. L’horizon semblaient bouché. La claustrophobie allait nous suffoquer. Nous étions prêt à graver avec nos ongles sur les murs de notre chambre d’hôtel le décompte des jours qui nous restait à tirer.
Un plan peu à peu s’échafauda dans notre esprit. Première partie : s’extraire de la cellule du Chungking Mansions. Le plus facile, il suffisait de dégoter le bon plan : se louer un appartement pour la semaine. Sur l’île principale, nous installons donc notre QG pour les jours à venir. Beau deux pièces, refait à neuf qui sent bon le propre dans une résidence comme il faut, écran plat et wifi en plus. Un véritable petit nid douillé. Grâce au nom du métro, on reste cependant dans la métaphore filée : Fortress Hill.
Deuxième partie : Explorer le territoire qui nous est octroyé
Hong-Kong est en vérité constitué de plusieurs îles, un espace finalement beaucoup plus vaste que Paris. Par où commencer ? Sur un territoire morcelé par la mer, le bus est remplacé par le ferry. Le matin, pour se rendre au travail, les cols blancs profitent des embruns marins plutôt que des pots d’échappement. Et nous aussi d’ailleurs ! Nous empruntons donc régulièrement le bateau pour nos déplacements même si celui-ci est plus lent et moins pratique que le métro. Lamma, Lantau, Cheng Chau tout un chapelet d’îles gravite autour de Hong-Kong, la principale tandis que la péninsule de Kowloon puis les Nouveaux Territoires rattachent la mégalopole à la Chine. En une demi-heure de navigation en mer, nous nous retrouvons sur l’île de Lost : plage de sable fin, végétation luxuriante qui rappelle que Hong-Kong est quand même dans un climat tropical. Mais ô déception, le chemin de randonnée que nous devons suivre pour traverser Lamma est… bétonné ! Au moins, il y a peu de risque de se perdre. La piste serpente à flanc de colline tour à tour dans une forêt tropicale puis dans un décor typiquement méditerranéen de rocaille. Au cœur des vallées se nichent des cabanes de pêcheurs avec de petits jardins où poussent quelques salades. A l’entrée d’une des petites plages dont recèle l’île, il est interdit de jouer au ballon, ou au frisbee et encore moins de faire du cerf-volant. Il doit être bien triste d’être un enfant mais nous n’osons imaginer la densité de baigneurs que doit atteindre ce minuscule morceau de sable en pleine saison. De toute façon, la plage avec l’usine qui crache sa fumée noire en toile de fond très peu pour nous. Ces cheminées ne nous quitteront plus jusqu’à la fin de la promenade, nous rappelant que malgré ses apparences d’île déserte, nous sommes dans le giron d’une ville de 8 millions d’habitants. Le port ressemble à un quartier pour expats : des petites résidences, un fromager et un caviste occupent la rue principale de ce qui paraît être un village sans voiture. Le retour se fait visage au vent sur le ferry. Un autre nous amènera sur Lantau, beaucoup plus grande que Lamma mais au même décor de jungle luxuriante. Sur un versant un grand Bouddha veille, relié à l’aéroport par un téléphérique, de l’autre un parc Disneyland.
Au milieu, le charmant village de Tai’O, village traditionnel de pêcheurs avec le poisson séché pour la médecine, la pâte à crevettes qui macère pour Dieu sait quel usage et des petites bicoques en métal. Autre histoire de ferry, que la petite fille devant nous, nous sourisse c’est déjà bien mais qu’en plus elle parle quelques mots de français c’est mieux. Et les parents, fiers d’eux, d’annoncer qu’à 6 ans, elle apprend 6 langues (anglais, cantonnais, mandarin, français, espagnol et allemand). N’y aurait-il pas « un peu » de pression sur les épaules des enfants pour qu’ils réussissent ? En arrivant sur Cheng Chau, les familles sont de sortie en ce jour de week-end, la domestique suit en s’occupant des enfants et en emportant le pique-nique. Nous nous penchons sur un berceau et manquons de nous étrangler de stupeur : l’enfant est recouvert de poils blancs ! Après vérification, il s’agit d’un chien : ici pour ne pas user les petites pattes de ces chers canidés, ils sont promenés en poussette.
Retour sur la terre ferme, nous cédons au charme suranné de ce vieux tramway asthmatique qui nous fait de l’œil depuis notre arrivée. L’odeur de bois nous rappelle les autres tramways et funiculaires que nous avons déjà rencontré à travers le monde : Lisbonne, Valparaiso etc… Anachronique que cette boite à ferraille tout en hauteur qui serpente entre les immeubles. Apologie de la lenteur dans ce monde trop pressé. Le pauvre vieux se fait doubler de toute part et doit céder la priorité à tout le monde. Un autre funiculaire nous fera prendre de la hauteur, il a d’ailleurs beaucoup de ressemblance avec celui du Corcovado à Rio : une montée sévère à travers la jungle, les favelas en moins. Notre tentative pour nous élever au dessus de ce ciel gris et bas qui nous fait l’amitié de nous accompagner depuis le début de notre séjour à Hong-Kong est vaine. Une fois à Victoria Peak, nous sommes plongés dans un voile blanc et la promenade qui devait nous assurer une vue complète sur la ville s’avère être une découverte d’un mur de nuages blancs. Notre deuxième essai est plus concluant : il y a bien une ville en dessous du Victoria Peak. Nous découvrons alors la jungle urbaine qui s’étend à nos pieds. Chaque immeuble a du concourir en son temps au titre du plus haut du monde. La Burj Khalifa et ses 800 mètres en a obligé certains à remettre les plaquettes et les brochures à jour. Comment dit-on « rue du cherche-midi » en cantonnais ? A 20h commence un spectacle de laser.
Nous allons faire un tour aux marchés sans doute dans le secret espoir de rencontrer un peu les classes populaires de la ville mais nous découvrons la passion des asiatiques pour l’aquariophilie. Dans des sacs en plastique remplis d’eau, toutes sortes de poissons ornent les devantures des magasins. Accrochés aux murs, on dirait des gouttes d’eau colorés, des morceaux d’arc-en-ciel emballés. Et le badaud de faire son choix parmi cette myriade de couleurs à défaut de connaître les noms. A côté, il y a de même dans des sachets plastiques les plantes vertes, les algues pour décorer l’aquarium. Il s’agit en fait du quartier des animaleries : des chiots et des chatons, derrière une vitre et à des prix exorbitants, attendent un propriétaire. Après avoir traversé la rue des fleuristes – où l’on note la manie de la mono-activité des commerces dans une rue – c’est au tour des oiseaux d’être le centre d’intérêt. Des plumes et des couleurs, de beaux aras et même un toucan végètent dans des cages. On peut acheter son kilo de vers, d’asticots, de blattes ou de sauterelles vivant pour nourrir son drôle de petit oiseau.
Le dimanche, après avoir patienté deux heures les talons dans l’estomac pour goûter au Yamcha (le brunch Hong-kongais constitué de différentes sortes de raviolis) avec Suraj, nous découvrons que ce jour-là, les employés de maison ne travaillent pas. Autour du métro Central, les rues sont coupées à la circulation et entre une manifestation contre le pouvoir central chinois et les indignés d’HSBC, les philippines se retrouvent dans la rue. Pas de revendications syndicales mais étant souvent logées chez leur employeur, elles n’ont pas d’endroit à elles pour recevoir les copines et sociabiliser. Alors elles se donnent rendez-vous dans la rue et s’improvisent des salons avec des cartons à la manière de sdf. On y pique-nique, papote, se fait les ongles, regarde un film sur un ordinateur portable : on recrée un peu de lien social. Pour les plus enthousiastes, il y a même des cours de danses donnés à même la rue ou encore des parties de bingo organisées devant le siège de HSBC. Nous avons l’impression d’avoir traversé l’envers du décor et de nous retrouver dans les coulisses de la ville. Quelques kilomètres plus loin, les indonésiennes ont établi leur quartier autour d’un parc.
Troisième partie : Récupérer le passeport et filer
C’est avec un mélange d’appréhension et d’impatience que nous nous préparons à aller chercher nos visas. Sur le trajet, le stress ne fait qu’augmenter : « et si on nous le refusait… et s’il fallait fournir d’autres pièces… etc etc… ». Nous nous sommes aussi préparer à patienter avant de récupérer le précieux sésame. La veille, Poutine a été élu ou plutôt ré-élu, et le champagne a peut-être coulé à flots à l’ambassade, les diplomates cuveront quand nous débarquerons. Mauvaises langues que nous sommes : nous n’avons même pas le temps de poser nos fesses sur les fauteuils de la salle d’attente que déjà nous repartons avec les précieux sésames. Une dernière fois, le tram nous ramène à la « maison ». Il ne nous reste plus qu’à empaqueter les dernières affaires qui trainent et à sauter dans le premier train pour Guangzhou. Opération réussie !
Faire son visa russe à Hong-Kong: Voici les documents nécessaires pour faire la demande du vissa russe au consulat pour un ressortissant français au mois de mars 2012: – passeport + photocopie – 1 photo – 1 formulaire téléchargeable depuis le site de l’ambassade – et le fameux voucher (que nous nous sommes procurés sur le site internet: http://www.visatorussia.com) et que nous avons imprimé en couleur à HK – Sur le tableau d’affichage du consulat, il est mentionné la nécessité d’ajouter une confirmation des vols mais nous ne l’avons pas fait et cela ne nous a pas porté préjudice – 370HKD/pers Le visa est récupérable 7 jours après le dépôt, le traitement en urgence n’est pas possible pour un touriste de passage (seulement pour les résidents).Adresse du consulat russe à Hong-Kong: Rm. 2106-2123, 21/F, Sun Hung Kai Centre, 30 Harbour Road, Wanchai, Hong Kong Site internet de l’ambassade russe à Hong-Kong: http://www.russia.com.hk/en |