Le Népal demeure un pays très rural et c’est d’ailleurs, en partie, ce qui rend son exploration à pied si “aisé” (avec quand même une bonne condition physique): en randonnée, on croise très souvent des villages où se restaurer et où passer la nuit, et ce, que ce soit en basse ou haute altitude. Nous nous serons contentés des basses altitudes (entre 1 500 et 2 000 mètres). Mais, déjà, nous avons eu le loisir d’admirer le mode de vie de ces habitants de l’Himalaya.
Ce qui frappe en premier lieu, c’est évidemment la géographie accidentée des zones de peuplement:
Vivre au fond d’une vallée encaissée,c’est ne s’autoriser que quelques heures d’ensoleillement par jour, c’est vivre dans les brumes hivernales.
Vivre sur les flancs des montagnes, c’est, en fonction du degré de la pente, n’avoir que peu de terrains cultivables, c’est risquer les glissements de terrain pendant la saison des pluies.
Vivre sur les crêtes des montagnes, même en basse altitude, c’est avoir froid dans ces maisons de briques non chauffées! En haute altitude, on suppose que les conditions de vie sont encore plus difficiles: la raréfaction de l’oxygène rend l’agriculture pauvre et la recherche de combustible compliquée devant le peu de végétation.
Il resterait bien le Teraï, la vaste plaine népalaise, qui est de fait la zone la plus peuplée du Népal. Mais, on y souffre de sècheresse hors mousson. Tandis que pendant la mousson, les moustiques porteurs de malarias y élisent domiciles… Quant à nous, nous l’avons trouvé poussiéreuse et bien trop proche de l’Inde…
Bref, quelque soit le choix de peuplement, la vie ne sera pas idyllique.
Comme toujours en pareil circonstance, on est impressionné par la capacité de l’être humain à s’adapter en toute circonstance. Ces “petits exploits” nous surprennent d’ailleurs bien plus que les dernières inventions à la mode. Peut-être est-ce parce que que cela nous renvoie à nos difficultés, voire incapacité, à nous extraire du confort de nos maisons chauffées (et des douches chaudes!). Peut-être est-ce aussi parce que nos sociétés ont depuis longtemps abandonné ces modes de vie quasi autarcique et que nous, nous nous remettons, depuis notre naissance, à la bienveillance de la puissance publique. Ce mode de vie auto-suffisant nous attire tout autant qu’il nous chamboule: d’un côté, nous sommes soulagés d’être né sous les bons auspices d’un climat tempéré, mais d’un autre côté, nous sommes jaloux de ces hommes qui ont gardé tant de liens avec la nature.
Passées ces premières réflexions, nous nous abandonnons pleinement à la contemplation de ces villages ruraux. Rien de mieux que de s’y introduire par le biais d’un sentier de randonnée! Avant d’arriver au village, nous aurons déjà croisé bon nombre de ces habitants en plein ouvrage: le berger surveillant ses chèvres, qui, guidées par leur gourmandise de la bonne “chaire” verte, se mettent dans des situations impossibles, la ménagère qui ramasse son bois de chauffage ou celle qui le transporte à “dos d’homme”, avec souvent un volume deux fois supérieur à sa taille… Sans oublier, les enfants endimanchés dans leurs uniformes scolaires ayant plusieurs heures de marche en perspective pour se rendre à l’école. Bref, on est rarement seul sur les chemins de traverse! Rien de mieux avant de franchir la porte d’entrée du village que de se laisser bercer par ses bruits, du haut d’une colline qui le surplombe: la conversation des villageois, les bruits des animaux qui partagent la même liberté de circulation que les humains, etc.
Plus le village est “isolé”, c’est-à-dire non accessible par des véhicules motorisés, plus il nous parait “hors de notre temps”, les signes extérieures de “notre monde” n’étant plus visibles; pas de boutique vendant coca-cola et chips lays! Juste des maisons, des champs, des animaux et des humains. Alors que nous déambulons dans ces ruelles, nous avons vite l’impression d’être indiscret tellement la vie quotidienne se déroule dans la rue devant tout le monde: une femme fait la vaisselle sur le pas de sa porte, une autre se lave les cheveux, encore une autre lave son bébé, etc.
Pour ne pas troubler ces moments d’intimité, nous continuons notre chemin au milieu des champs cultivés. Du haut des montagnes, nous observons à perte de vue les terrasses agricoles qui épousent si bien la forme des flancs des montagnes. Quand la foret n’est pas protégée, alors la moindre parcelle de terrain est cultivée. La couleur jaune des champs de moutarde se détache de la brume hivernale et c’est comme s’ils captaient à eux-seuls tous les rayons du soleil. On trouve aussi des rizières, asséchées, qui attendent tranquillement la saison des pluies pour naitre à nouveau. Attenant à chaque maison, un potager assure l’autosuffisance de la famille avec tous les légumes formant le dhal baat. Les vaches, buffles, chèvres et poulets apporteront un complément financier ou alimentaire à la famille. Ils pourront aussi servir lors de sacrifices visant à remercier les Divinités hindoues ayant accédé aux voeux des humains. La paille, soigneusement empilée en motte compacte, les régalera en attendant leur funeste fin…
Ces quelques images d’Epinal valent bien un séjour prolongé en basse altitude!