Rencontre à la croisée des chemins: un vétéran de l’armée indienne

Rien de mieux que de profiter d’une soirée bien arrosée de rhum chaud pour être initié à la spiritualité hindoue!
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La ferme de Sumit

C’est au cours de notre séjour dans une ferme biologique indienne que nous avons rencontré ce drôle de personnage. Il s’agit du beau-père du capitaine SS Sran, qui nous héberge dans sa ferme. Un soir, nous sommes invités à manger chez lui. Nous sommes alors envoutés par son flot de paroles. Dans le cadre de cette assemblée réduite, il tient le rôle du “sage”, de celui qui a suffisamment vécu et appris et qui aspire désormais à transmettre son savoir à autrui. Il aura surtout capté l’attention de Claire, qui n’était pas occupé à siroter son rhum chaud avec les autres mâles de l’assemblée comme certains autres…

Malgré le respect qu’impose sa personne, ce n’est pas sans un certain amusement que nous l’écouterons parfois… Comment ne pas être dérouté par ce bonhomme de plus de 70 ans qui, après nous avoir exposé l’importance du yoga pour le salut de l’âme, se met à revendiquer la “liberté de picoler”?

Après avoir servi l’armée indienne et combattu plusieurs fois contre les Pakistanais, ses “frères” d’abord reniés puis tant honnis des indiens, il se retire dans la ferme familiale pour cultiver, de façon conventionnelle, du coton, du riz et du blé. Il s’investit alors dans une des activités les plus nobles selon la spiritualité hindoue, celle qui lie l’homme à la terre-nourricière.

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Le système d’irrigation

Comme entrée en matière de la soirée, il nous dira, les yeux brillants d’une grande fierté, que son village est sur “la mappemonde”. Devant notre étonnement d’une telle révélation, il ajoutera que son petit village se situe dans l’aire de peuplement de la civilisation de l’Indus, une des plus vieilles du monde. Encore aujourd’hui, des objets archéologiques sont fréquemment découverts dans les fondations des maisons. Mais, personne ne se risquerait à en informer les autorités administratives par peur d’une expropriation intempestive. Ses trésors désensevelis agrémentent alors les collections personnelles des habitants du coin.

C’est d‘ailleurs le poids de ces milliers d’année de vivre ensemble qui expliquerait, selon notre vétéran, que la société indienne soit plus spiritualiste que la société européenne. Les indiens seraient déjà passés par l’étape matérialiste que vit actuellement l’Occident. Ils en seraient donc revenus. Serions-nous responsables de la déchéance du monde aujourd’hui? Selon le découpage des âges du monde hindou, nous sommes actuellement dans la phase du “Kali youga”, l’âge de la déchéance. Période s’achevant en 2050. 

Il ne cessera de nous répéter toute la soirée, “si vous voulez visitez l’Inde, il faut absolument que vous lisiez des ouvrages sur le yoga”. Evidemment, nous comprendrons que ce n’est pas du yoga que nous connaissons en Europe dont il parle, mais d’une activité hautement spirituelle de maitrise du corps par l’esprit. La pensée y est toute puissante. Puis de nous le prouver en nous faisant valoir qu’elle est ce qui déplace le plus vite sur la terre… C’est grâce au yoga que l’être humain peut rompre le cycle infernal des réincarnations et libérer l’âme de son enveloppe corporelle. Tout ceci étant “scientifiquement prouvé”.

Il terminera son enseignement par une tirade universaliste “Tous les être humains se ressemblent, partout dans le monde, nous avons les mêmes besoins primaires. Nous sommes tous connectés les uns les autres”. Ce qui nous fait amèrement sourire dans un pays où le système des castes, encore bien présent, entretient les pires inégalités entre les être humains. Dans un pays, où faire dormir son domestique dehors, par des températures proches de 0, alors que sa maison regorge de pièces vides, est tout à fait normal. Dans un pays, où l’on se plaint de devoir payer 250 roupies (4 euros) par jour un ouvrier agricole, parce que l’Etat s’est enfin décidé à augmenter les salaires…

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Lever de soleil sur Hanumangarh Junction

Et c’est alors que je (Claire) commets l’irréparable, une petite remarque sur la consommation de rhum chaud de Guillaume, pour que notre hôte s’écrie “freedom to drink”. Nous apprendrons alors que cet adepte du yoga avait aussi la fâcheuse tendance à consommer plusieurs litres de whisky indien par jour, jusqu’à ce que son corps malade le rappelle à la raison. J’avais touché la corde sensible du bonhomme! Alors que j’étais à peine tolérée dans ce cercle masculin, j’avais osé montré ma touche “féminine” et brisait la magie de ces rendez-vous de testostérones pendant lesquels l’alcool coule à flot. Je resterai jusqu’à la fin de la soirée, en retrait, et n’osant plus lever le moindre tabou… Quant à notre hôte, il sera depuis longtemps retourné à sa pratique du yoga, tandis que son fils s’efforcera de perpétuer l’héritage paternel pour la boisson…

 

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