Vivre en monarchie

Ah la monarchie, quelque chose pour nous autres français qui nous semble délicieusement d’un autre temps, un temps où l’on savait s’amuser, à gambader joyeusement dans les jardins de Versailles, affublés de perruque, de fraises et de fond de teint. Et puis, de tristes sires firent tomber le couperet et Versailles devint un musée. Depuis lors, nous ne savons pas trop à quoi sert un roi, ni une reine d’ailleurs, une relique du passé, un peu comme le minitel: quelque chose de mystérieux mais d’un peu dépassé. Il suffit de regarder la Belgique engluée  dans une crise politique majeure depuis trop longtemps.  D’ailleurs, c’est souvent l’une des questions que nous posons à ceux qui ont la chance d’en avoir : “Mais votre roi là, il sert à quoi exactement?”. Le regard embarrassé, certaines fois un peu honteux, notre interlocuteur répond dans un charabia incompréhensible et inaudible  que nous interprétons alors par un “à rien” de bon aloi. Il semblerait que la théorie de l’évolution ait encore frappé puisque les têtes couronnées ont su évoluer pour assurer leur survie, en abandonnant le pouvoir contre une rente et des prestations de service lors de cérémonies de gala. Quelques piges dans les journaux populaires viennent assurer les fins de mois.

La Thaïlande a elle aussi un roi, Rama IX de son petit nom. Et apparemment, il ne sert pas à grand chose non plus. Bangkok est menacée par les eaux? La première ministre, le maire de la ville et le gouverneur se mènent la guerre par presse interposée sur fond d’inaction? 30% du territoire national est sous les eaux?  Point de présence du monarque dans la presse, mène pas un petit mot de réconfort. Ce qui semble paradoxal au vu de la quantité d’image de lui présente dans le pays. Ah si, mauvaises langues que nous sommes, une photo du roi accompagne chaque sac de riz distribué aux victimes des inondations. Quel réconfort !

L’intégralité des billets de banque […] est à son effigie

Donc à défaut de le lire ou de l’entendre, nous le voyons quotidiennement: à l’entrée des bâtiments publics , des temples, des écoles, collèges, lycées etc etc… Il trône fièrement  en tenue d’apparat de pied dans un super photomontage dans la salle du trône. La reine n’est pas en reste, apparaissant soit avec son roi de mari, soit seule et dans ce cas-là, plus pour des oeuvres sociales. Les rôles sont bien distribués. Chez les commerçants, le calendrier royal doit être obligatoire puisque chaque boutique a le sien (une loi existe-elle?) : le roi en chapeau de cow-boy (le plus populaire),  en goguette avec son appareil photo autour du cou, en moine bouddhiste, avec son chien etc etc…Normal me direz-vous puisque commerce et argent sont liés et que l’intégralité des billets de banque (5 coupures: 20, 50, 100, 500 et 1000 bahts) est à son effigie sur au moins l’une des deux faces. D’ailleurs sur le billet de 1000bahts (25Eur), on le retrouve l’appareil photo en bandoulière, une invite au voyage sans doute ou alors un clin d’oeil aux touristes.

Aller au cinéma ou au théâtre devient un geste patriotique

Autre incongruité pour nous autres républicains, aller au cinéma ou au théâtre devient un geste patriotique puisque avant chaque film ou représentation, l’hymne retentit . Chaque spectateur se lève, y compris les étrangers, et assiste de ses yeux ébahis, à une projection de photos du roi. Les musées ne sont pas en reste non plus et rappelle régulièrement  aux visiteurs la générosité  et la clairvoyance du couple royal pour l’édification de telle ou telle action ou collection.On comprendra alors que le crime de lèse-majesté existe encore et que la prison peut accueillir ceux qui auraient la langue trop bien pendue. Si la presse est plutôt bien disciplinée, il en est bien différent pour ce qui d’internet mais quoiqu’il en soit, nous attendrons d’être hors de Thaïlande pour publier cet article.