Rencontre à la croisée des chemins: les chauffeurs de tuk-tuk

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Le modèle side-car

“Where you go? where you go?”

“Where you go? where you go?” (vous allez où?) c’est avec cette phrase d’introduction que vous ferez généralement connaissance avec les chauffeurs de tuk-tuk thailandais. Cette aborde inoffensive deviendra le leitmotiv de votre séjour à Bangkok, surtout à l’approche des sites touristiques de la capitale. Il y aura bien quelques variantes à cette rencontre forcée: les coups de klaxon en veux-tu en voilà ou encore les “Sir, Sir” qui se veulent poli mais néanmoins intrusifs. Se faire accoster dans la rue n’est pas en soi problématique et en tant que voyageur, il faut l’accepter comme la contre-partie de nos virées oisives dans des contrées où le mot “vacances” ne fait pas partie du vocabulaire. Nous pensions pourtant avoir obtenu notre diplôme du “voyageur indifférent aux sollicitations” auprès des vendeurs d’artisanat sénégalais mais voilà les chauffeurs de tuk-tuk thaïlandais ont su remettre en cause notre apprentissage. Sans doute, nous étions-nous endormis sur nos lauriers et avions manqué depuis quelques mois d’exercices pratiques.

Zone de danger pour touristes

C’est aussi un moyen métaphorique d’appréhender le voyage

Le tuk-tuk fait partie de l’image de carte postale de l’Asie. Combien de voyageurs se sont imaginés cheveux au vent, grisés par la vitesse et la sensation éminente de danger parcourir les mégalopoles tentaculaires asiatiques? Humer les odeurs de la ville et avoir la sensation d’en faire partie. Le tuk-tuk n’est pas seulement un moyen de transport physique mais c’est aussi un moyen métaphorique d’appréhender le voyage, une sorte de rite initiatique qui délivrera les clefs de la compréhension de la ville en question.

A-t-on jamais refusé à Charon la traversée du Styx?

Et les chauffeurs de tuk-tuk thaïlandais ont bien compris l’attrait que représentait pour nous leur formidable machine. En tant que passeurs de rêve, conscients de la mission dont ils sont investis, se font un devoir de vouloir à tout prix vous conduire, parfois de manière un peu trop insistante . D’ailleurs puisqu’on ne peut décemment pas refuser une invitation au voyage, le simple hochement négatif de la tête ou  les maints ‘”Non, merci!”, ne suffisent pas.  Un voile d’incompréhension traverse alors leur regard: a-t-on jamais refusé à Charon la traversée du Styx? Votre refus doit venir de la barrière de la langue, vous ne pouvez pas avoir  refusé consciemment ce voyage vers un autre monde qu’on vous offrait.

Le tuk-tuk joue le rôle de la sirène d’Ulysse sur notre imaginaire

Non, la seule solution pour le quidam pour ne pas tomber dans les mailles de ce filet est de déguerpir et fuir ! Le tuk-tuk joue le rôle de la sirène d’Ulysse sur notre imaginaire, il est difficile de ne pas tomber sous son charme. Seule l’impolitesse fonctionne bien, et au risque de paraitre grossier, ne pas répondre semble encore le meilleur moyen pour ne pas être entrainé dans d’interminables palabres inefficaces. Cependant ne pensez pas crier victoire si le prix de la course baisse miraculeusement ou s’il est dès le départ incroyablement bas. Ce ne sera pas grâce à vos talents de négociateur mais la course comportera des visites forcées dans des boutiques où le chauffeur touchera sa commission en cas d’achat de votre part. Malheureusement, pour ces poètes, Bangkok bénéficie d’un excellent réseau de bus, de métro et de taxi qui certes ne sont perméables à cette poésie latente mais pour un prix dérisoire vous transporte à l’autre bout de la ville.