Il faut croire que certains clichés ont la vie dure. Celui le plus connu concernant Singapour rapporte qu’il y règne une ambiance ordonnée et que tout comportement dit déviant est automatiquement soumis à une amende salée (“fine” en anglais).
Il ne nous a pas fallu longtemps pour repérer ces fameux panneaux d’interdiction.
Petit aperçu en images:
Dans le métro:
Il faut lire: Ne pas transporter de durian (fruit tropical qui sent très mauvais!), ne pas fumer, ne pas s’allonger, ne pas manger ni boire.
Dans la rue:
Il faut lire : Interdiction aux vélos et de stationner
La plus frappante des interdictions est celle qui signale un site protégé dans lequel il est interdit d’entrer. Si l’envie vous prenait de la ravir, sachez que vous serez accueillis au fusil!
D’autres interdictions circulent dans les rangs des voyageurs, mais que nous n’avons pas pu vérifier: interdiction de vendre des chewing-gum (mais pas d’en mâcher), interdiction de traverser en-dehors des passages piétons, interdiction de fumer dans la rue, en dehors des endroits prévus à cet effet.
D’un point du vue extérieur, on a tendance à trouver ces interdictions un poil totalitaire, mais on relative vite en connaissant les chiffres de densité de population. Dans un pays de 600 km2, il faut caser 4,5 millions d’habitants, soit une densité de population de 6 751 au km2. Mais ce n’est rien, me répondrez-vous, si l’on compare les 20 000 habitants au km2 que compte Paris intra-muros. Mais les parisiens, eux, ont la possibilité de se mettre au vert alors que les singapouriens n’ont que la mer pour s’échapper de leur environnement urbain!
Autre façon de relativiser, nous n’avons vu aucun policier patrouiller dans les rues: comment faire appliquer alors toutes ces interdictions? Nous avons vite déchanté lorsque nous avons appris que les policiers se déguisaient en fait en civil, pour pouvoir mieux vous prendre en flagrant délit!
Finalement, en nous baladant dans les bazars de Chinatown, nous nous sommes rendus compte que la thématique des interdictions n’étaient pas franchement tabou dans la société, et que les singapouriens savaient même en rire puisqu’ils vendent des T-shirts à leurs visiteurs avec les panneaux d’interdictions les plus célèbres…
A Singapour, ce qui nous a, en fait, le plus frappé c’est l’omniprésence de la vidéosurveillance. A l’inverse de notre gouvernement actuel, qui nous fait croire qu’il s’agit plutôt de vidéo-protection, nous avons eu la désagréable impression d’être épié dans nos moindres faits et gestes. C’est comme si l’intrigue de Georges Orwell, 1984, se déroulait sous nos yeux! Nous avons toujours eu une vidéo braquée sur nous dans le moindre recoin de la ville. Qui plus est, les caméras ne sont pas du tout discrètes, juste au cas où un trou de mémoire nous aurait fait oublier que nous ne sommes pas libres de faire ce que l’on veut!
Y a-t-il vraiment quelqu’un qui surveille 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 les écrans de contrôle? Il faut croire que l’effet d’optique marche bien, car nous n’avons pas osé faire le test de feindre un comportement hors-la-loi et chronométrer le temps d’arrivée de la police…
Sous couvert de lutte contre le terrorisme, les singapouriens se laissent donc volontairement filmer à toute heure du jour et de la nuit. Le thème du terrorisme est tellement omniprésent dans la ville qu’on s’attend à vivre une explosion à chaque coin de rue! Par exemple, il s’invite dans des affiches placardées un peu partout dans les rues, incitant à la délation de tout “comportement suspect”. D’autres propagandes veulent nous faire croire que “chacun d’entre nous est le meilleur rempart pour lutter contre le terrorisme”. Sans oublier le passage en boucle, sur les écrans TV du métro, d’indiens ensanglantés et mutilés lors d’attentats à Bombay en 2006, avec toujours le même message de fond :”pour que cela ne se produise pas chez nous, aidez-nous à lutter contre le terrorisme”.
Quid des libertés individuelles dans tout ça? La liberté de la presse semble être inexistante et les antennes paraboliques seraient interdites. La peine de mort est pratiquée à Singapour et le nombre d’exécution par habitant serait l’un des plus élevés au monde. Il semblerait que le même parti politique soit au pouvoir depuis de nombreuses années… Heureusement, à défaut de liberté politique, les singapouriens ont au moins la liberté d’aller dépenser leur argent dans les centaines de centres commerciaux qui parsèment la ville ou encore d’aller s’amuser dans les îles parc d’attractions ou faire des safaris de nuit au Zoo… Pouvoir d’achat quand tu nous tiens…