Grâce au réseau couchsurfing, nous avons fait la connaissance d’un couple de trentenaire malaisien. Ils nous ont ouvert les portes de leur maison bourgeoise dans la banlieue de Kuala Lumpur, Batu Caves, aussi connu pour son temple hindou. Au premier abord, pas grand chose ne nous distingue de leur mode de vie: le même rythme “métro-boulot-dodo”, la même culture américanisée (centres commerciaux, Mac Do, Starbuck, KFC et compagnie), la même décoration intérieure (Ikéa!) et enfin la même attirance masculine pour les jeux vidéos!
Tout ignorant que nous étions de la Malaisie, qui ne devait être qu’un pays-étape dans notre route vers la Thaïlande, leur rencontre nous a ouvert les yeux sur un pays qui mérite bien plus qu’un simple transit. Quand ils nous ont demandé ce que nous connaissions de la Malaisie, nous avons été bien embêtés et avons vite esquivé en leur retournant la question sur la France, qu’ils comptent visiter prochainement.
Petit tour d’horizon de ce que nous avons appris à leur contact durant un week-end. Premier élément, la Malaisie est un pays musulman. Au 15ème siècle, les arabes y ont mené une politique d’évangélisation, suite aux premiers contacts maritimes établis dès le VIIème siècle. Les anglais, qui ont colonisé le pays courant XVIIIème siècle, n’ont pas remis en cause cette ferveur musulmane, trop occupés par leurs intérêts économiques. A la différence de l’Espagne qui a toujours accompagné ses opérations de colonisation d’évangélisation des populations. Ainsi des Philippines, ancienne colonie espagnole et aujourd’hui seul pays d’Asie du Sud-Est en majorité catholique.
Aujourd’hui, les malais (à ne pas confondre avec les malaisiens) sont tous musulmans. L’islam est la religion officielle d’Etat et la justice se base sur la loi coranique, la charia. Là-bas, même les restaurants chinois proposent de la nourriture Halal!
C’est assez nouveau pour nous de découvrir l’islam asiatique. Quand on pense “religion asiatique”, on pense plus aux temples hindous et bouddhistes qu’aux mosquées! Pourtant, les musulmans asiatiques sont plus nombreux que les musulmans de pays de langue arabe (ils représentent 250 millions de fidèles, soit 1/5ème des musulmans du monde). Shuk et Eton nous expliquent que leur pratique n’est pas différente de celle des pays arabes: mêmes livre de référence (le Coran), prophètes (dont le dernier Mohamed), lieux de cultes (mosquées) et 5 piliers (prier 5 fois par jour, se rendre en pèlerinage à la Mecque, jeuner, témoigner sa foi et faire preuve de charité envers son prochain). Le samedi semble être dédié aux conventions sociales: ils nous ont invité à les suivre à deux mariages musulmans. La cérémonie officielle d’union à la mosquée est réservée aux proches et la réception du mariage qui a lieu le samedi (de 12h à 16h) est l’occasion d’inviter la totalité de ses connaissances à partager un bon repas. Le nombre d’invité grimpe alors en flèche (1000 en moyenne) mais le cadre n’est pas aussi formel que ce que nous pouvions connaitre. Il s’agit avant tout de venir faire un tour, se montrer, souhaiter ses voeux aux marriés, et y aller de son petit cadeau. Les invités se partagent ainsi à tour de rôle le buffet et la salle prévue pour une centaine de personnes. C’est pourquoi il est de bon ton de ne rester qu’une heure attablé. Les mariés sont installés sur une estrade dans des sièges de roi et se font prendre en photo avec tout le monde.
La diversité ethnique du pays oblige à une profonde tolérance religieuse et au respect d’autrui dans toute la société. Trois grandes “ethnies” cohabitent dans un seul et même territoire: les malais (60% des malaisiens), l’ethnie autochtone, les chinois (25%) et les indiens (10%); le reste de la population étant composé des habitants de la jungle. Les chinois et indiens ont peuplé la Malaisie par la volonté des colonisateurs anglais qui utilisaient la main d’oeuvre chinoise dans les mines d’étain et les indiens dans la collecte de caoutchouc. A l’indépendance, en 1957, tout le monde a reçu la nationalité malaisienne. Malaisien ne désigne donc ni une culture ou une langue mais un pays uni dans la diversité. D’ailleurs, la devise nationale est “l’unité fait la force”. Et les trois langues officielles sont le malais parlé par les malais, le mandarin parlé par les chinois et le tamoul parlé par les indiens. C’est pourquoi dans chaque ville malaisienne, on trouve un chinatown et un little india, sans parler des multiples temples hindous, bouddhistes et mosquées! En surface, il apparait que tout ce petit monde semble vivre en parfaite harmonie, quoique chacun dans son quartier. D’ailleurs, il n’est pas rare de lire des annonces de location d’appartements réservées à telle ou telle communauté. Il existe donc des tensions sous-jacentes entre les différentes communautés, ce qui a pu conduire par le passé à des émeutes, notamment anti-chinoises. Elles ont entrainé la création de la cité-Etat de Singapour qui s’est séparé de la Malaisie en 1965 (là-bas, les chinois représentent 70% des singapouriens).
Le passage des anglais a eu pour conséquence – entre autre – la conduite à gauche et le bon niveau en anglais des malaisiens, qui l’étudient très jeunes. L’anglais est aussi la langue commune des différentes ethnies du pays.
Quant à la situation économique du pays, la Malaisie fait partie des 5 tigres asiatiques, parfaitement intégrée dans l’économie de marché, quoique fortement étatique. Son modèle économique repose sur l’exportation de ses ressources naturelles, comme l’étain, le caoutchouc (3ème rang mondial), le pétrole, l’huile de palme (no.1 mondial). Elle développe également des produits manufacturés comme la seule automobile de l’Asie du Sud-Est, la Proton. Elle constitue la fierté nationale, même si les malaisiens se fournissent plus facilement chez les japonais. Les plus grandes entreprises du pays appartiennent à l’Etat, comme Petronas, l’entreprise qui gère l’extraction et l’exportation du pétrole du pays. Les Twins Towers Petronas, en plein coeur du quartier des affaires de Kuala Lumpur, symbolise la réussite économique de la Malaisie et son intégration dans la globalisation. Jusqu’en 2004, elles étaient les tours les plus hautes du monde (452 mètres). Le gouvernement semble tellement avoir d’argent qu’il a construit, de toute pièce et sur d’anciennes plantations de palmiers à huile, une ville administrative, Putra Jaya, qui réunit tous les ministères de l’Etat fédéral ainsi que les logements de ses fonctionnaires. Le tout dans des immeubles au design dernier cri, avec de la décoration florale dans les rues, des pelouses vertes et des trottoirs immenses et bien entretenus, totalement en désaccord avec KL la désordonnée!
Enfin, le portrait ne serait pas “complet” si l’on ne mentionnait pas le hobby préféré des malaisiens: le shopping! Vous trouverez partout dans KL ces temples du consumérisme: les centres commerciaux ! Ils sont gigantesques (au minimum 5 étages) et proposent toutes les marques européennes et américaines. C’est bien simple, Shuk et Eton ne pourrait pas vivre à Putra Jaya car il n’y qu’un seul centre commercial! Au regard des prix exorbitants de certaines boutiques vendant des marques européennes, on se demande bien qui peut acheter leurs marchandises, surtout après avoir découvert que les serveurs des fast food gagnaient 1€ par heure! A bien y regarder, la plupart des boutiques sont vides, mais les halls des centres sont bondés… Nous comprenons alors que nous ne sommes pas les seuls à apprécier l’air conditionné des centres commerciaux!