Impressions de voyage en Amérique du Sud: l’heure du bilan

Alpagas
Alpagas

Même s’il nous est douloureux de tourner la page de notre séjour en Amérique du Sud, ce dernier article sera son point final: le bilan de nos impressions de voyage en Amérique du Sud.

Notre pays coup de coeur sera sans conteste la Bolivie, parce que nos a-priori négatifs ont été balayés par les paysages époustouflants de l’altiplano et le sens de l’hospitalité des boliviens. Il faut dire que son entrée en matière nous avait quelque peu angoissé grâce aux messages de prévention passés en boucle à la frontière entre l’Argentine et la Bolivie, à Villazon: “ne pas parler aux inconnus dans la rue; ne monter que dans les taxis officiels (sans expliquer comment les repérer), ne sortez sous aucun prétexte votre passeport dans la rue, etc.”.

L’Argentine aura été une mise en bouche des multiples cultures amérindiennes qui ont survécu, bon an mal an, à leur découverte par les européens. Ces dernières doivent souvent jongler entre la préservation de leurs coutumes ancestrales et l’acceptation de “vivre avec son temps”.

Le Pérou restera le pays des vestiges pré-colombiens. En découvrant le majestueux Machu Picchu, l’ingénieux temple du soleil de Sacshayhuaman, les vertigineuses terrasses agricoles de Pisac, entre autres ruines incas, nous nous inventerons un monde où la conquête espagnole n’aurait pas eu lieu. Il ne reste plus qu’à le mettre sur papier dans le genre littéraire “uchronie”. Sans oublier de mentionner le bonheur de se retrouver en famille!

Il n’y aura qu’un mauvais souvenir au Chili: son accent “andalou”! Alors que nous nous croyions bilingue en espagnol, nous voilà à faire répéter chaque mot de nos interlocuteurs: quel échec!

Altiplano

Côté volontariat, c’est encore la Bolivie qui sort en tête. Non content de partager un temps le quotidien d’agriculteurs quecha dans les vallées proches de Cochabamba, nous avons adoré mettre la main à la pâte pour construire des cuisines solaires. Sans parler de déguster les petits plats qui sortent de leurs entrailles! C’est décidé, on en construit une à notre retour! Reste à trouver le soleil pour la faire fonctionner…

Une belle leçon d’utilisation d’une énergie renouvelable connue de tous: celle du soleil.

Le Pérou aurait pu talonner de près la Bolivie si nous avions pu nous rendre à Atiquipa pour participer au programme de restauration-conservation de ce singulier écosystème: les îles de végétation du désert côtier au Sud du Pérou. Les chercheurs du laboratoire d’écologie de l’université d’Aréquipa nous avaient pourtant mis en appétit avec leur présentation!

Nous aurons quand même pu entendre leur conseil : “restaurez vos territoires, tant que les conditions climatiques ne sont pas trop bouleversées!”

Finalement ce sera le Chili qui ravira la seconde place avec nos journées d’observations de ces petits points noirs au milieu de l’océan pacifique, euh pardon les loutres marines! Elles auront été écourtées, à notre grand damne, à cause d’un hiver trop froid pour rester 24 heures sur 24 dehors.

Altiplano

Ces quelques jours nous auront quand même rappelé que les hommes ne sont pas les seuls êtres vivants de la planète bleue et qu’il faut apprendre à la partager avec nos “frères” la faune et la flore…

Pour le reste, nous aurons appris à nous méfier des messages de communication postés sur les sites internet de certaines associations. Mais rassurez-vous, nous, nous disons toujours la stricte vérité!

En vrac, ce que nous retiendrons de l’Amérique du Sud, tout pays confondu:

En ville, les distances sont mesurées en “cuadras” (pâté de maison). L’architecture est carrée, pas de ruelles sinueuses ni d’urbanisation désordonnée! Il y a des chiens errants partout, mais ils ne sont pas agressifs et cherchent même la compagnie des hommes. Les grands centres urbains reposent sur le même mode de vie qu’en France, mais ils sont entourés d’une ceinture de pauvreté composée de populations fuyant des territoires ruraux, trop isolés et délaissés par les pouvoirs publics. Cette ceinture n’est pas visible car peu de personne ose s’aventurer dans ses ruelles désordonnées, mais nombreux de ces habitants travaillent comme vendeurs ambulants dans les centres-villes.

Cholitas

Côté droit des salariés, il est difficile de plaindre les européens: être en CDI ne protège pas d’un licenciement, qui peut intervenir du jour au lendemain, sans aucune procédure formalisée. Etre employé au noir (ou être payé en partie au noir) est la norme, même dans le secteur formel. Et seulement entre deux et trois semaines de vacances par an pour évacuer tout de ce stress.

C’est aussi le sous-continent de l’ultra-libéralisme: il ne reste plus aucune entreprise nationale, les ressources naturelles sont extraites par des entreprises étrangères qui les transforment à l’étranger et qui participent peu au développement du pays. L’Etat est très peu présent dans la vie quotidienne et tous les biens sont soumis aux règles du marché, même ceux qui sont considérés comme “collectifs” en Europe (la santé, l’éducation). Il n’y a pas de retraite par répartition mais par capitalisation, quitte parfois à tout perdre suite à une crise financière et à devoir se remettre à travailler à 65 ans!

On parle partout espagnol, ce qui prouve les racines culturelles et historiques communes, mais chaque pays est assez nationaliste et entretient des conflits de frontières avec ses voisins. Il n’y a pas d’organisation de type Union Européenne.

Agriculteurs du lac Titicaca

Là-bas, il y a des populations natives, des aborigènes, des indigènes, des indiens, des amérindiens, entre autres termes pour désigner les premiers peuples qui ont colonisé le sous-continent avant l’arrivée des espagnols. Alors qu’ils ont été exterminés par ce choc des cultures, leurs restes archéologiques ont été récupérés par le markéting touristique. Ils sont même devenus des symboles nationaux. Et ce, même si encore aujourd’hui, les descendants de ces premiers peuples font l’objet de discrimination. Bien souvent être traité “d’indiens” est une insulte. Pour préserver leur “culture ancestrale”, ils sont souvent réduits à travailler dans l’artisanat en perpétuant des techniques, certes millénaires, qui les mettent à la marge du marché et ne leur permettent pas de sortir de leur précarité. Leur production sera écoulée sur des niches de type “commerce équitable”. Ce besoin d’authenticité, recherché par tant de voyageurs, les oblige parfois à se folkloriser en portant des costumes traditionnels qu’ils quittent dès que les touristes détournent le regard.

Sans oublier, les distances démesurées, chaque pays fait plusieurs fois la France! Et, pour finir, les paysages, qui appellent à la contemplation, la faune et la flore à l’émerveillement.