Contamination d’enfants à Ventanas

Complexe industriel de Ventanas
Complexe industriel de Ventanas (source: google images)

Par une nuit sombre dans le parc environnemental de Quirilluca, nous étions, frileusement, en train de palabrer autour d’un feu de bois. Délaissant un instant la conversation de nos chiliens, notre regard a été attiré par un coin de l’horizon teinté de rose. “La ville de Quintero?” A-t-on demandé. “Non c’est le complexe industriel de Ventanas”. Quelques instants plus tard, une des immenses cheminées du site, visible depuis le parc, rejetait dans l’atmosphère d’épaisses fumées blanches, tel un volcan en éveil dans la Cordillère des Andes. “Nous nous étonnons de ne pas nous en être rendu compte en journée” confions-nous à nos hôtes. “Ils la font surtout fonctionner la nuit” Et c’est alors que nos militants de la Chinchimen ont bien voulu nous raconter leur histoire.

Le complexe industriel de Ventanas s’est caché au détour d’une falaise du paysage escarpé du littoral valpino dans les années 50. Pour nous qui ne connaissons que la plage de Quirilluca, sauvage, avec ses loutres marines et ses renards ou encore le petit village de pêcheurs d’Horcon qui vit au rythme des marées, il nous est difficile de l’imaginer.

Pourtant il est bien composé de 14 entreprises dont des thermoélectriques, fonctionnant au charbon, des fonderies, des cimenteries et autres usines d’acides. Aux opposants du site, on leur répond qu’il sort de la misère la population locale du coin qui vivait d’une agriculture vivrière. A l’heure de la robotisation, il ne leur reste plus qu’une terre-mère trop contaminée pour nourrir qui que ce soit. Et le jardin d’Eden agricole n’existe plus.

Depuis toujours, les habitants des villages alentours sont partagés entre le soulagement d’habiter à proximité d’un bassin d’emplois et la désolation d’observer leur environnement se dégrader par l’effet de la pollution de l’air, du sol et des fonds marins qu’entraine l’activité industrielle du site.

Une thermoélectrique (source: google images)

Tandis que les cheminées du complexe crachent leurs fumées toxiques, des particules, entre autres, de plomb, arsenic, cuivre, zinc et nickel se diffusent partout par l’effet du vent côtier pour terminer leur voyage au sein de la terre nourricière. Quant aux fonds marins, les thermoélectriques pompent dans cette réserve d’eau pour refroidir leurs turbines et la rejette en mer une fois inutile en laissant en cadeau des résidus de traitements chimiques.

Aujourd’hui, la santé des enfants, ayant grandi dans cet environnement malsain, est menacée. Leurs parents découvrent trop tard le prix de leurs illusions.

En mars 2011, un accident dans une des usines d’acides de Codelco (une entreprise nationale), laisse échapper dans l’atmosphère un nuage de dioxyde de souffre, ce qui a, enfin, obligé à conduire des analyses sanitaires sur place. Pourtant, la pollution environnementale est dénoncée de longue date par les associations du coin, comme le mouvement des communautés pour le droit à la vie. Elles ont réussi à mobiliser les citoyens à certaines étapes clés d’extension du site, mais ont peu de poids face aux autorités et aux 14 entreprises.

Aujourd’hui, les résultats sanitaires sont alarmants et ne peuvent laisser personne indifférent.

Des manifestations citoyennes (source: google images)

Le collège de la Greda, à seulement 500 mètres du complexe, a été la cible des spécialistes, venus réaliser des prélèvements sanguins sur les 124 élèves de l’établissement d’enseignement. Ils ont relevé la présence de plomb et d’arsenic sur la totalité des élèves. Ces toxines peuvent avoir pour conséquence des altérations neurologiques (comme des déficits d’attention ou des retards intellectuels) ou des maladies broncho-pulmonaires.

“Les niveaux de plomb et d’arsenic relevés sont acceptables et ne sont pas considérés comme dangereux sur la santé” “Les spécialistes assurent que les résultats des examens sanguins ne sont pas nécessairement liés aux activités du complexe industriel” commentent les journaux conservateurs chiliens (la Tercera ou le Mercurio). Ou encore, pour les enfants qui souffrent déjà de troubles neurologiques, certains spécialistes répondent “il vaudrait peut-être mieux s’interroger sur leur environnement social: sont-ils suffisamment stimulés par leurs parents?”

Qu’est-ce que ces métaux lourds ont pourtant à voir avec la vie d’écoliers de ces enfants âgés entre 5 et 14 ans?

Les parents ont décidé de ne pas rester passifs face à ce problème de santé publique, et se disent prêts à se lancer dans une bataille juridique à l’encontre des entreprises et des pouvoirs publics, pour défaut de vigilance. Quant à la réponse des autorités, elle à consisté à fermer l’école en attendant sa relocalisation à quelques kilomètres de l’épicentre de contamination, plutôt que d’imposer des normes environnementales pour les activités industrielles à risques toxiques.