L’investiture d’Ollanta Humala comme président du Pérou

Article de presse au lendemain de l'investiture

Après le suspense du 2ème tour des élections présidentielles et les deux mois avant la prise de pouvoir, il était temps pour Ollanta Humala de prendre les reines du pouvoir politique au Pérou!

Rappelons quand même qu’il a eu pour rivale Keiko Fujimori, la fille de l’ancien président Alberto Fujimori au pouvoir entre 1990 et 2000. En 2000, suite à des scandales de corruption, il s’enfuit du Pérou pour s’exiler au Japon, le pays d’origine de ses parents (lui-même avait pu conserver la nationalité japonaise). En 2007, il a été extradé depuis le Chili puis condamné en 2009 à 25 ans de prison pour corruption et crimes contre l’humanité. Ses mandats politiques sont connus pour ses réformes économiques ultra-libérales, sa lutte armée contre les mouvements révolutionnaires du Pérou dont le célèbre “Sentier Lumineux” (c’est Fujimori qui a fait arrêter son leader Abimael Guzman), avec en décors de fond, des violations des droits de l’homme (sous couvert de la lutte contre le terrorisme) et énormément de corruption.

Certes, tel père ne veut pas dire telle fille, pourtant celle-ci fut la première dame du Pérou à partir de 1994, à 19 ans, lorsque la femme du dictateur se fut publiquement opposée à son mari et à ses méthodes de dictateur. D’autant qu’elle n’a pas manqué de faire reposer son programme politique sur l’héritage de son père!

Les résultats du premier tour des élections présidentielles, le 10 avril 2011, ont étonné et déprimée toute la classe politique péruvienne ainsi que les classes sociales dominantes. Considérés comme deux “outsiders”, bénéficiant en majorité du soutien des secteurs marginaux de la société, rien ne laissait présager qu’un Toledo, ancien Président entre 2000 et 2006, ou un Castaneda, ancien maire de LIma, puissent être écarté du second tour!

Les classes aisées péruviennes, vivant à Lima, n’ont pas analysées ce résultat, d’une part comme le rejet de la droite traditionnelle favorable au statu quo économique, et d’autre part, comme l’appel à des mesures de justice redistributive. Mais elles ont plutôt accusé l’ignorance des classes populaires, exprimant ainsi leur mépris envers les indiens et notamment sur Internet. Des journalistes péruviens  de “La Republica” (un des principaux quotidiens national) ont d’ailleurs surnommé facebook, le “racebook” pour avoir été l’écho de nombreux propos racistes.

Ainsi, le 5 juin 2011, lors du second tour, les péruviens avaient le choix entre une ultra-libérale de 36 ans, symbole d’un passé sombre que d’aucuns aimerait oublier, et un présumé communiste-nationaliste. Ce commandant  de l’armée péruvienne à la retraite s’était déjà présenté aux élections de 2006 avec un programme révolutionnaire et indigéniste, proche de Chavez (Vénézuela). Les marchés financiers, quant à eux, n’ont pas hésité : l’annonce de la victoire d’Humala sur Fujimori a été suivie d’une chute de 12,5% de la bourse du Pérou et la monnaie péruvienne, le nouveau sol, a reculé de 1,24%!

Ollanta Humala a pris le pouvoir le 28 juillet 2011 et la cérémonie d’investiture a eu lieu le 29 juillet, en présence de nombreux chefs d’Etat Sud-Américain. Conciliateur, son discours discours d’investiture fut beaucoup moins radical que pendant sa campagne électorale où il dessinait un plan de gouvernement de “grande transformation” ou encore un programme politique de “changement radical”. Il affirme aujourd’hui reconnaitre l’économie de marché et le modèle péruvien de croissance économique (plus de 8% annuel!). Cela  ne l’a pas empêché d’être un brin provocateur lorsqu’il a juré respecter l’ordre constitutionnel en ayant à l’esprit la constitution de 1973. Ce qui revient à ne pas reconnaitre l’actuelle constitution qui date de 1993 et qui avait été promulguée par Fujimori, peu de temps après son coup d’Etat contre son propre gouvernement.

Mais ces propos ont été également fortement teintés de convictions sociales, ce qui semble confirmer les espoirs de nombreux péruviens qui aspirent à un nouveau modèle socio-économique. Il a annoncé sa voonté de mobiliser toutes les énergies pour effacer de l’histoire du Pérou le visage de l’exclusion et de la pauvreté, en construisant un Pérou pour tout le monde. En effet, 35% de la population de 28 millions d’habitants que compte le Pérou, vit avec moins d’un dollar par jour.

Les premières mesures sociales immédiates seront d’augmenter de 12,5% le salaire minimum, aujourd’hui de 600 soles (152 euros) ou encore de proposer un régime de retraite pour les plus de 65 ans sans revenus. Il propose ensuite de créer un nouvel impôt sur les bénéfices des entreprises minières qui doivent, annonce-t-il, contribuer à l’effort national contre la pauvreté. Son objectif est de favoriser la redistribution des richesses qui fait cruellement défaut aujourd’hui.

On sait qu’il a comme modèle politique Lula Da Silva, mais il a aussi conservé dans son gouvernement des ministres de son prédécesseur, Alan Garcia, réputé pour être un ultra-libéral, à commencer par son ministre de l’économie.

A suivre de près donc.