La Loi sur les droits de la Terre-mère en Bolivie

Apacheta
Apacheta, monument en honneur à la Pachamama

Notre séjour en Bolivie a été marqué par le respect partagé de tous les Boliviens à la Terre-Mère et à la protection de cette dernière. Et pour montrer à quel point ce sentiment est diffus dans toute la société, ses dirigeants politiques sont même allés jusqu’à promulguer une loi sur les droits de la Terre-Mère, en décembre 2010. La Bolivie est le premier pays à s’être essayé à un tel exercice juridique.

Les articles de loi ressemblent en tout point à la déclaration des droits de l’Homme, par leurs caractères conceptuels et idéalistes. Et pourtant, ce n’est pas de l’Homme dont il s’agit mais de la Terre! Cela revient donc à reconnaitre à la Nature les mêmes droits que les êtres humains. L’objectif n’est certainement pas d’opposer la Nature et les hommes, ni de sacraliser cette dernière et interdire toute interaction avec l’Homme, mais plutôt de rappeler que la vie humaine n’est pas possible sans la Terre et que nous formons un ensemble unique et interdépendant.

“Si le 20ème siècle a été le siècle de reconnaissance des droits de l’homme, le 21ème sera celui des droits de la Terre et de tous ses êtres vivants” a déclaré Evo Morales suite à l’approbation, en 2009, par l’Assemblée Générale des Nations Unies de la date du 22 avril comme journée mondiale de la Terre-Mère. Mais, il ne peut se contenter d’une journée, il lutte aujourd’hui pour qu’une déclaration universelle des droits de la Terre soit promulguée aux Nations Unies.

Si les opposants à cette loi n’y voient que pure fantaisie, simplisme et de fait inapplicable, nous trouvons cet exercice extrêmement pertinent car elle encourage à modifier nos comportements envers l’environnement. De fait, elle n’est que le commencement d’un long  processus juridique de production de textes législatifs visant à mettre en œuvre cette “utopie” dans de nombreux domaines de l’activité humaine.

Cependant, cet enjeu de protection de la Terre-Mère n’est pas sans poser de  nombreux casse-têtes  pour ce pays qui regorge de ressources naturelles (gaz naturel, lithium et minerai en tout genre) alors que sa population souffre encore de grande pauvreté. Il sera donc intéressant de suivre de près son application dans le pays.

Ci-dessous, pour vous, les articles de loi les plus importants (pour ceux qui veulent le texte en entier, n’hésitez pas à nous le demander!) :

LOI SUR LES DROITS DE LA TERRE-MERE

Loi 071 du 21 décembre 2010, en vigueur

EVO MORALES AYMA,
PRESIDENT CONSTITUTIONNEL DE L’ETAT PLURINATIONAL DE BOLIVIE

L’ASSEMBLEE LEGISLATIVE PLURINATIONALE DECRETE LA LOI SUR LES DROITS DE LA TERRE – MERE

CHAPITRE 3: Les droits de la Terre-Mère
Article 7. Droits de la Terre-Mère

la Terre-Mère a les droits suivants:

1. Droit à la vie: droit à la perpétuation de l’intégrité des écosystèmes et des processus naturels qui les soutiennent.

2. Droit à la diversité de la vie: droit à la préservation de la différence et de la variété des êtres qui composent la Terre-Mère, sans être modifiés génétiquement, ni même de manière artificielle, de telle façon que cela puisse menacer leurs existences, fonctionnements et potentiels futurs.

3. Droit à l’eau : droit à la préservation du fonctionnement des cycles de l’eau, à son existence en quantité et qualité nécessaire pour la subsistance des écosystèmes et droit à la protection de l’eau contre la pollution, pour la reproduction de la vie de la Terre-Mère et de toutes ses composantes.

4. Droit à l’air pur: droit à la préservation de la qualité et la composition de l’air pour la subsistance des écosystèmes et droit à sa protection face à la pollution, pour la reproduction de la vie de la Terre-Mère et de toutes ses composantes.

5. Droit à l’équilibre: droit au maintien ou la restauration l’interdépendance, la complémentarité et la fonctionnalité des composantes de la Terre-Mère, de manière équilibrée pour la continuité de ses cycles et la reproduction de ses processus vitaux.

6. Droit à la restauration: droit à la restauration effective des écosystèmes affectés par les activités humaines directes ou indirectes.

7. Droit à vivre sans pollution: droit à la préservation de la Terre-Mère de toute pollution comme les résidus toxiques et radioactifs générés par les activités humaines.

CHAPITRE 5 : Obligations de l’Etat et devoirs de la société

Article 8. Obligations de l’Etat plurinational

L’Etat plurinational, à tous ses niveaux, ses domaines territoriaux et à travers toutes ses autorités et institutions, a les obligations suivantes:

1. Développer des politiques publiques et actions systématiques de prévention, de protection et de précaution visant à éviter que les activités humaines conduisent à l’extinction des êtres vivants, l’altération des cycles et processus qui garantissent la vie ou la destruction d’écosystème.

2. Développer des formes de production et des modèles de consommation équilibrés pour la satisfaction des besoins du peuple bolivien et de son bien-être, tout en sauvegardant les capacités de perpétuation et d’intégrité des cycles, les processus et équilibres vitaux de la Terre-Mère.

3. Développer des politiques pour défendre la Terre-Mère dans les champs, plurinationaux et internationaux, de sa surexploitation, de la marchandisation des écosystèmes et des causes structurelles du changement climatique global et de ses conséquences.

4. Développer des politiques qui assure la souveraineté énergétique à long terme, à partir de l’économie d’énergie, l’augmentation de son efficience et l’incorporation au fur et à mesure de nouvelles sources alternatives propres et renouvelables.

5. Poursuivre sur le plan international la reconnaissance de la dette environnementale à travers le financement et le transfert de technologies propres, efficaces et compatibles avec les droits de la Terre-Mère.

6. Promouvoir la paix et l’élimination de toutes les armes nucléaires, chimiques, biologiques et de destruction massive

7. Promouvoir la reconnaissance et la défense des droits de la Terre-Mère sur le plan multilatéral, régional et bilatéral des relations internationales.

Article 9: devoirs des personnes

Il s’agit des devoirs des personnes physiques et juridiques, publiques ou privées :

a) Défendre et respecter les droits de la Terre-Mère

b) Promouvoir l’harmonie de la Terre-Mère dans tous les champs de ses relations avec les communautés humaines et les écosystèmes.

c) Participer de forme active dans la production de propositions orientées au respect et défense de la Terre-Mère.

d) Développer des pratiques de production et des habitudes de consommation en harmonie avec les droits de la Terre-Mère.

e) Assurer l’usage et utilisation soutenable des écosystèmes de la Terre-Mère
f) Dénoncer tout acte qui porte atteinte aux droits de la Terre-Mère, ses écosystèmes et/ou ses composantes.