Alors que nous franchissions la frontière entre l’Argentine et la Bolivie, le mercredi 18 mai 2011, nous sommes assez surpris de n’être pas totalement dépaysé!
Nous comprenons alors que le Nord-Ouest Argentin est une bonne transition pour une immersion en Bolivie.
Nous apprendrons d’ailleurs qu’une partie de ce territoire faisait partie de la Bolivie au moment de l’indépendance mais qu’il fut perdu suite à une guerre avec l’Argentine (comme bien d’autres des territoires de la Bolivie, qui aurait perdu l’équivalent de la moitié de son territoire!).
Les points communs sont nombreux entre le Nord-Ouest Argentin et la Bolivie
Les points communs sont nombreux, pour n’en citer que quelques uns qui nous ont marqué:
La gastronomie avec l’omniprésence du maïs. Rappelons-nous qu’à Yavi Chico (près de la frontière), dès la primaire, les élèves apprennent tout du maïs: ses légendes, ses différentes variétés, comment le semer, le récolter, etc.
Les paysages: de la cordillère des Andes, en passant par l’altiplano et sans oublier les forets tropicales.
L’architecture: l’utilisation de l’adobe (brique d’argile mélangée avec de la paille et séchée au soleil) comme matériau de construction des maisons.
L’agriculture: on retrouve les mêmes cultures; maïs, pommes de terre, élevage de lamas, etc.
Mais ce sont surtout les habitants de ces territoires qui sont communs entre ces deux espaces (et d’eux découlent les autres convergences…) : c’est dans le Nord-Ouest Argentin où vivent la plupart des peuples natifs ou indigènes comme ils sont encore appelés aujourd’hui. De même, la population bolivienne de l’altiplano et des vallées est majoritairement indienne. En Argentine, les peuples natifs représentent environ 485 000 personnes réparties dans toute l’Argentine sur une population totale de 40 millions d’habitants, soit un peu plus de 1% (selon une enquête spécifique sur les peuples natifs datant de 2004 réalisée par l’institut national des thématiques indigènes).
Une population en grande majorité amérindienne, contrairement au reste du territoire argentin
Quelle ne fut pas notre surprise en s’enfonçant dans les villages isolés des provinces de Jujuy et Salta, de rencontrer en grande majorité des visages d’amérindiens. Quelle différence avec Buenos Aires où l’on se sent comme en Europe. En effet, une grande majorité des argentins sont des descendants d’européens ayant immigrés entre le XIX et le XXème siècle grâce à une politique d’accueil extrêmement généreuse de la part des gouvernements argentins dans le but de peupler de “blancs” cet immense pays. On raconte d’ailleurs que:
les péruviens descendent des incas,
les mexicains : des aztèques,
et les argentins descendent des bateaux en provenance de l’Europe!
Ainsi, les argentins ne sont pas descendants des espagnols du XVème siècle, ces derniers sont encore une autre catégorie de population, les créoles. Les espagnols ne sont d’ailleurs pas mieux perçus des argentins que des populations indiennes. Ainsi, dans certains villages gérés par des communautés indiennes, le 11 octobre, date de la découverte des Amériques par Colomb, est devenu un jour férié commémoratif du dernier jour de liberté des populations pré-colombiennes. On a souvent entendu les argentins critiquer les espagnols et leurs comportements pendant la “découverte du Nouveau Monde”, cependant il ne faut pas pour autant occulter certains faits récents de l’histoire de l’Argentine post-coloniale. A l’image de la fameuse campagne du désert entre 1879 et 1884 menée par le Président Roca. Elle a consisté à exterminer les indiens du Sud de l’Argentine (les mapuche de Patagonie) pour y installer des élevages gigantesques de vaches, qui a fait la fortune et la renommée de l’Argentine au XIXème et début du XXème siècle, qui plus est, sous couvert de différends territoriaux avec le Chili.
La “question” amérindienne demeure d’actualité dans la société argentine
Autre fait qui en dit long sur la considération des gouvernements argentins vis-à-vis des “indigènes”: en 1994, seulement, l’Argentine reconnait officiellement dans sa constitution la pré-existence ethnique et culturelle des peuples amérindiens. Et, par voie de conséquence, la constitution leur octroie un droit à une éducation bilingue et inter-culturelle ainsi que la reconnaissance juridique de ses communautés et, surtout, le droit de propriété des terres qu’ils occupaient avant l’arrivée des espagnols. Cependant, comme souvent, le droit est rarement suivi de faits et il existe aujourd’hui encore de nombreux conflits entre des communautés d’indigènes et les autorités argentines pour la reconnaissance d’un droit de propriété sur les terres qu’ils habitent et cultivent.
Pour en savoir plus, consulter le site internet de “l’instituto nacional de asuntos indigenas” hébergé par le ministère du développement social : http://www.desarrollosocial.gob.ar/inai/104
Toute cette problématique de discrimination vis-à-vis des populations natives n’est pas sans nous faire penser à notre propre comportement vis-à-vis des français ayant des origines étrangères (en clair, les français d’origine du Maghreb et d’Afrique)! Ne voyez donc pas dans cet article un jugement négatif sur l’Argentine, mais au contraire, une mise en perspective de notre propre politique vis-à-vis des “banlieues” reposant de nombreuse fois sur de la discrimination, souvent justifiée par des considérations économiques (pauvreté, chômage, etc.).