A l’école primaire de Yavi Chico, les professeurs ont basé tous leurs enseignements à partir du maïs
C’est à l’occasion de notre visite à Yavi Chico que nous avons pu entendre une légende, parmi tant d’autres, sur l’apparition du maïs en Amérique du Sud.
A l’école primaire de Yavi Chico, les professeurs sont très investis dans un projet pédagogique, depuis déjà neuf ans, autour du maïs. Partant du constat d’une difficile communication entre les professeurs et les élèves, d’un manque d’intérêt des élèves pour l’école (la plupart partent travailler dès 13 ans à Buenos Aires) et enfin de leur difficulté à s’exprimer, les professeurs, tous de la Quiaca, la ville à une 20aine de km du village, ont essayé d’innover!
Le maïs est donc devenu leur allié pour enseigner les mathématiques, la géographie, l’histoire, la lecture, etc. En effet, le maïs est l’aliment principal consommé et cultivé dans le village. Les enfants aident leurs parents dans les champs et ont donc une grande connaissance de cet aliment. C’est donc en valorisant ces aptitudes, que les professeurs ont embrayé sur le programme scolaire…
En travaux pratiques, on propose aux élèves de cultiver du maïs biologique, en arts plastiques, on dessine les multiples variétés de maïs qui poussent dans la région ou on fabrique de l’artisanat avec le maïs, en lecture, on lit des légendes sur le maïs, en géographie, on apprend les régions où poussent le maïs, etc.
D’autres projets nous ont également semblé intéressant, notamment le recyclage de bouteilles plastiques pour construire le toit d’une serre !
Nous souhaitions partager avec vous la légende du maïs qui nous a été lu par les enfants.
la légende du maïs pour le peuple guarani
Dans des temps très anciens, deux indiens guaranis, Pita et Tacu vivaient avec leurs familles dans une région éloignée. Ils étaient des amis très proches et la paix régnaient dans les deux foyers. Ils s’alimentaient avec des fruits de la foret et du manioc qu’ils cultivaient.
Ils vivèrent très heureux pendant très longtemps. Les familles étaient nombreuses mais il y avait à manger pour tout le monde. Plus tard, une époque de pénurie arriva. Les aliments commençaient à manquer et la faim se fit sentir.
Pita et Tacu, comme chef de famille, décidèrent d’agir. Ils demandèrent à leur Dieu, Tupa, une aide salvatrice. Ainsi lui ont-ils parlé et Tupa écouta leurs plaintes. Il envoya un guerrier avec un message pour eux.
Le messager leur parla ainsi: “Tupa souhaite que l’un de vous disparaisse. Vous lutterez jusqu’à ce que l’un de vous meure. Alors, le survivant l’enterrera sur le lieu même où il sera tombé. C’est ici que germera une plante qui vous fournira l’aliment nécessaire à vos familles. Pour elles, vous devez faire ce sacrifice”. Disant cela, il disparut.
Pita et Tacu, étant amis, ne voulaient pas s’affronter, mais ils devaient exécuter l’ordre de Tupa s’ils voulaient sauver leurs enfants. Ils obéissèrent donc. Après une sanglante lutte, Pita tomba inanimé. Tacu l’enterra comme l’avait indiqué le guerrier, sans faire attention que le nez du pauvre Pita resta en dehors de la terre.
La famille de Pita, désespérée, noya le lieu de leurs larmes. Peu de temps après, la promesse du Dieu fut accompli : à cet endroit naquit une plante jusqu’alors inconnue. La planta poussa et donna des fruits. C’était un fruit qui avait la forme du nez de Pita. Ils appelèrent la plante “abati” qui veut dire en guarani “nez d’indien” et c’est cette plante que nous connaissons avec le nom de maïs. Cet aliment envoyé par Tupa fut excellent. Et les deux familles furent sauvées.
Le maïs continue d’être un produit très complet, si bien que quelqu’un a écrit: “Nous devons mille bénéfices au maïs, c’est pourquoi l’homme le cuisine, le boit, le mange, le fume et dort”
Le professeur de la classe nous a fait part d’une autre légende qui vient des incas
Il y a fort longtemps dans le Kollasuyo, qui était une des quatre parties de l’empire inca, vivaient deux villages anciens: l’un formé par les ayllus ou familles Chayantas, l’autre formée par les ayllus ou familles Charcas.
Entre les Charcas et les Chayantas, il y avait une vieille coutume: chaque année, au moment des semences, une fête était célébrée durant laquelle les deux villages s’affrontaient. Cette lutte s’appelait “Ch’amp maqanaqus” ou “Tincu”.
Les Charcas regroupaient d’habiles archers, qui au début du combat envoyaient avec leurs arcs des branches d’arbres plutôt que des flèches.
Quant aux Chayantas, ils étaient très compétents dans la manipulation de frondes et en faisant siffler ces armes pour la première fois, ils lançaient des fruits d’arbres plutôt que des pierres.
Peu à peu, la lutte prenait de l’ampleur. Les branches envoyées par les Charcas gagnaient pour cibles les Chayantas. De la même forme, les fruits lancés par les Chayantas tombaient sur les Charcas. Les guerriers de part et d’autre sentaient leur courage décupler et alors ils agissaient tous avec beaucoup de cruauté.
Ainsi, les Charcas changeaient leurs branches d’arbres par des flèches bien aiguisées. Également, les Chayantas laissaient leurs fruits de côté et chargeaient leurs frondes de pierres.
Les populations des deux villages croyaient que s’il y avait des victimes lors du “Tincu”, alors la récolte serait abondante et bonne alors que si les combattants sortaient sains et saufs, sans que du sang n’ait été versé, alors la récolte serait réduite et mauvaise.
Cette année, quelque chose de spécial s’est déroulé durant le “Tincu”. Wiru, un jeune homme Chayanta s’était marié avec une douce et jolie indienne Charca, Sara-Chojllu. Dès l’aube du Tincu, Wiru se leva et se mit à préparer sa fronde. Son épouse l’embrassa et le pria de ne pas lutter contre son peuple et les siens. Wiru lui fit comprendre que c’était inévitable: ses compagnons, les Chayantas, le traiteraient de lâche s’il ne luttait pas. Il partit directement sur le lieu de la lutte. Sara-Chojllu comprit la situation de son mari et pressentant un quelconque malheur, elle le suivit.
Sur le champ de bataille, deux Charcas étaient déjà morts et leurs compagnons, furieux, lançaient des flèches sans relâche. Wiru, en tant que Chayanta, faisait tourner sa fronde et envoyait des pierres sur les Charcas. Sara-Chojllu se chargeait de lui trouver des pierres qui lui servaient de munitions. Les projectiles, les voix, les cris augmentaient de chaque côté. La nuit était proche, mais comme jamais, le ciel était rouge sur les montagnes. Le dernier vent de la soirée soufflait accompagnant une sensation étrange de malheur. Depuis le camp des Charcas, le père de Sara-chojllu prépara son arc, avec toute la force de ses bras, il lança une flèche qui traversa avec rapidité l’air et en tombant dans le camp des Chayantas se planta en plein coeur de sa fille. Cette même Sara-Chojllu, faible et pâle, sans dire un mot mais conservant une esquisse de sourire, s’effondra par terre. Immédiatement, Wiru laissa sa fronde, prit dans ses bras son épouse, et ses larmes, comme un torrent, mouillèrent le corps déjà sans vie de la jeune indienne. Avec l’aide de ses compagnons, ils l’enterrèrent sur le même lieu de sa mort.
Tous rentrèrent chez eux, mais Wiru resta près de la tombe de sa bien-aimée et toute la nuit il pleura. Il pleura tellement, qu’il en inonda la terre. Si bien que le matin suivant, une petite plante inconnue jusqu’alors commença à pousser et dont Wiru s’occupa avec soins depuis le premier jour.
Quand la plante eut finit de pousser, sa taille était droite et svelte exactement comme l’avait été Sara-Chojllu. Elle portait les mêmes vêtements que la jeune indienne: des jupons de couleur vert clair et une jupe superposée.
De même, de la plante sortirent les longs cheveux de Sara-Chojllu, qui devinrent blonds avec les rayons du soleil. Dans les fruits de la plante, on réussit à apercevoir le pâle visage souriant qu’elle avait dans la soirée de sa mort. Se trouvaient également les dents blanches et fines de Sara-Chojllu.
Et jusqu’à aujourd’hui le fruit du maïs a toujours le gout doux de l’amour et près de ses racines, le sel des larmes et l’amertume du malheureux Wiru.