Rencontre à la croisée des chemins: Stéphanie, l’inuit

C’est tout là haut, loin de tout!

Le choix de vivre dans le “Grand Nord”

Alors que nous nous apprêtions à prendre le bus de Tafi del Valle vers Cafayate, nous avons été intrigués par une jeune femme, voyageant seule, à l’espagnol avec l’accent bien français et au sourire si bienveillant qu’il donne envie de sympathiser tout de suite!

Il s’avère que si Stéphanie parle très bien le français, c’est avec un accent légèrement… québécois!

Son caractère très ouvert facilite la rencontre et l’échange, ce que nous avons fait autour d’un bon restau puis lors d’une randonnée dans les montagnes de Cafayate. Nous avons voulu vous faire partager son histoire!

Il y a six ans, Stéphanie a décidé de “changer de vie” en allant travailler dans le “Grand Nord” du Canada, proche de l’Arctique, dans le territoire du NUNAVUT, plus précisément dans une bourgade de 1 300 âmes à Pangnirtung.

Un simple retour à la terre me direz-vous? C’est que nous n’avons aucune idée de ce que c’est que de vivre près de l’Arctique!

Des conditions de vie extrêmes

Tout d’abord le climat: durant l’hiver (entre décembre et mars), les températures oscillent entre – 40 et – 60 degrés. Et l’été (entre juin et septembre), elles ne montent guère à plus de 12 degré. Il y a de la neige entre octobre et juin.

Quant à la luminosité, en hiver, le soleil se lève à 8h du matin pour se coucher vers 13h et encore est-il si éloigné de ce territoire qu’il n’arrive pas à se hisser au-dessus de la chaine de montagnes, ce qui fait que les habitants ont toujours l’impression d’être dans l’ombre. En contrepartie, l’été, il fait jour presque tout le temps!

Sans parler de l’isolement du territoire, qui, est en fait une île. La liaison avec le continent ne peut se faire que par bateau ou avion. Le bateau ne peut accéder à l’île que durant les mois d’été, période durant laquelle la mer est libérée des glaces. Il y a trois bateaux par été et ceux-ci ravitaillent l’île, entre autres, de pétrole qui est l’unique source d’énergie du territoire et qui sert donc  à produire électricité et chauffage.

Quant à l’avion, quand les conditions climatiques sont clémentes, la liaison est journalière. Et bien s’en faut, car il n’y a aucune industrie ou agriculture sur l’île, au regard évidemment des conditions climatiques. Tous les éléments de la vie quotidienne sont donc fournis par le continent, ce qui rend la vie là-bas très chère! Il n’y a pas non plus de médecins permanents, du moins dans le village de Stéphanie, seulement des visites tous les deux ou trois mois de médecins, dentistes, etc. Quant aux femmes enceintes, elles doivent se rendre sur le continent pour accoucher et ce un mois avant la date du terme “au cas où”.

La rencontre avec les peuples premiers

Ce qui a plu à Stéphanie (j’emploie le passé car à son retour d’Argentine, elle sera de nouveau à Otawa), c’est non seulement le contact avec la nature et le fait d’organiser son quotidien en fonction d’elle, mais aussi la vie avec les inuits, peuple autochtones qui précédaient à l’arrivée des européens au Canada. Pour elle, c’était en quelque sorte “nouer contact avec les racines profondes et historiques du continent américain”. Et s’il y a 30 000 habitants à NUNAVUT, 93% sont des inuits. Les “canadiens du Sud”, comme Stéphanie, sont soit des professeurs, soit des employés d’administration. Elle-même est employée fédérale dans l’institut canadien de statistique détachée dans le Grand Nord.

Son intégration auprès des inuits nous a semblé réussi alors qu’elle nous contait sa participation aux multiples tâches de la communauté: cueillette de fruits sauvages l’été, pêche, couture, etc. Les activités de chasse sont par contre réservées aux hommes: phoques, baleines et carigou! La langue maternelle des inuits n’est pas l’anglais (comme dans le reste du Canada, sauf le Quebec) mais le inuktatut et… pour finir les inuits ne vivent plus dans des igloos!

Alors que nous rencontrions Stéphanie, j’étais justement en train de lire le récit d’un voyageur anglais du début du XXème siècle ayant organisé en 1908 une expédition polaire au pôle Sud (“Au coeur de l’Antarctique” de Sir Ernest Shackleton) et, j’ai trouvé que ce carnet de voyage reflétait bien le retour d’expérience de Stéphanie sur les conditions de vie dans les extrêmes de notre planète: “les régions polaires laissent sur ceux qui ont affronté les pires épreuves une empreinte dont les hommes qui n’ont jamais quitté le monde civilisé peuvent difficilement s’expliquer la puissance”.