“Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte”

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Ceux qui surveillent sont surveillés!

La peur d’autrui est-elle une émotion millénaire?

Nous empruntons le titre de l’un des romans de Thierry Jonquet, auteur contemporain de romans noirs récemment décédé, pour  illustrer un sentiment qui nous intrigue depuis le début de notre voyage: celui de la peur d’autrui.

S’il y a bien une chose que nous cherchons à démontrer à travers notre voyage et nos rencontres “à la croisée des chemins”, c’est que nous appartenons à une même communauté d’êtres humains et qu’il est possible de faire confiance et de partager des moments de convivialité avec un parfait inconnu, qui plus est ne parlant pas votre langue.

Pourtant, force est de constater qu’il faut parfois se faire violence pour ne pas ressentir cette peur animale de l’autre, ce sentiment bestial de se sentir en danger. Comment le mystérieux attrait de l’inconnu qui guide tout voyageur peut-il se transformer en peur?

D’où nous vient-elle, d’abord, cette peur? Quelque part, un gêne en relation avec l’histoire millénaire de l’installation de l’homme sur terre luttant pour sa survie contre d’autres hommes, contre la faune sauvage, contre un environnement naturel hostile? Ou est-ce une thématique contemporaine inventée par quelques politiques pour justifier des entraves aux libertés individuelles afin d’assoir leur pouvoir ou développer une activité économique ultra-lucrative?

Quoiqu’il en soit, il est très désagréable d’avouer que nous l’avons expérimenté déjà de nombreuses fois depuis que nous avons quitté le sol français!

Tout d’abord au Sénégal, lorsque nous avons abandonné l’idée de rejoindre nos amis français installés au Mali : simple principe de précaution ou peur irrationnelle? Nous ne le saurons jamais!

Par la suite, lors de nos séjours sur le cargo, nous avons été surpris que l’équipage, endurcis par la dureté de la vie quotidienne, puisse ressentir ce sentiment d’insécurité jusqu’à rechigner à sortir du bateau alors, que les marins y sont parfois “enfermés” pendant 8 mois consécutifs. Nous comprendrons évidemment que c’est leur isolement sur le bateau qui les rend plus peureux à la rencontre d’autrui… tout simplement parce que nous avons nous-même ressenti cette angoisse en descendant du bateau à Buenos Aires après un mois de traversée!

Le constat, amère, du déploiement d’équipements de vidéosurveillance dans toutes les grandes villes du monde

L’omniprésence des caméras de vidéosurveillance (pardon, vidéoprotection depuis une énième loi sur la sécurité intérieure en France) dans les trois pays d’Amérique du Sud que nous avons entre-aperçu (Uruguay, Brésil et Argentine) nous renforce dans notre questionnement : faut-il avoir peur d’autrui?

Pour notre part, nous percevons les caméras de vidéoprotection comme autant de signes de danger bien que d’autres les considèrent comme des outils de prévention (ou un levier de développement économique?).

En Argentine, où nous sommes restés plus longtemps, nous avons pu également observer que toutes les maisons “correctes” sont équipées d’alarmes. Les fenêtres sont toutes grillagées et ce, jusqu’aux balcons des étages supérieurs! Dans certaines villes, les citoyens peuvent même s’assurer qu’il y a bien des policiers postés derrière les écrans de contrôle des caméras de vidéoprotection, car nous les apercevons travailler depuis la rue. Les énormes villas en construction sont gardés par des gardiens armés de fusil et de gros chiens qui grognent. Le paroxysme est atteint dès lors qu’on habite dans quartier privé (barrio privado). Il faut montrer patte blanche pour y pénétrer auprès du gardien à l’entrée et les villas sont coupées du monde par un mur d’enceinte. A chaque échange avec des argentins, ces derniers nous mettent constamment en garde contre leurs concitoyens: des voleurs, des assassins! Discours heureusement contradictoires avec le comportement chaleureux et hospitalier des argentins que nous avons eu la chance de rencontrer et, qui nous ont ouvert leur bureau, leur voiture, leur maison, nous ont invité à manger chez eux, etc…

Puis, finalement, tout commence à s’éclaircir, et c’est au fur et à mesure de notre voyage, de notre itinérance que nous commençons à mettre en relation sociétés inégalitaires et déploiement d’équipements dits de protection dans l’espace public…