Que savons-nous des loutres marines? “Pas grand chose” nous explique Ricardo Gonzalo Correa, le Président de l’association Chinchinmén depuis son bureau de Maitencillo, à une heure au Nord de Valaparaiso.
C’est pourquoi il fait appel à toutes les bonnes volontés pour participer aux campagnes d’observation des loutres marines organisées sur la frange littorale, encore vierge, entre Horcon et Maitencillo. Elles ont surtout lieu l’été, lorsque la température et le climat sont plus cléments aux longues heures à rester dehors. Mais elles sont aussi possibles l’hiver, pour les plus résistants au froid, à l’humidité et parfois à la pluie. Pour ceux qui aiment dormir sous la tente dans n’importe quelles conditions, qui ne sont pas rebutés à ne pas se laver pendant plusieurs jours ou qui savent se contenter de pâtes, riz et soupes lyophilisées matin, midi et soir. Pour ceux qui sont assez gros dormeur pour aller se coucher à 6h du soir, à la tombée de nuit, et se réveiller le lendemain à 7h, avec les premières lueurs du jour. Pour notre part, nous avons vaillamment tenu 7 nuits.
Quand la visibilité est au rendez-vous, les journées d’observations des loutres sont propices à la méditation. Au début, vous aurez peut-être l’impression de chercher une aiguille dans une botte de foin. Mais ne vous découragez pas devant l’ampleur de la tâche et surtout restez indifférent aux mouettes rieuses qui voleront au-dessus de vous. A défaut d’apercevoir des loutres, vous pourrez toujours perdre votre regard dans l’immensité bleue de l’océan ou vous vous laisserez bercer par le mouvement régulier des vagues.
Après quelques jours, vous saurez supporter la position assise, dans un recoin et en tenue de camouflage, de 9h du matin à 17h, “un minimum” explique Ricardo. Bientôt, vos jumelles deviendront le prolongement de votre visage. Du haut de la falaise où vous serez perché, vous aurez appris à distinguer une loutre dans le petit point noir qui flotte au milieu de l’océan. La loutre marine pèse entre 3 et 5 kilos et mesure un mètre de longueur… Vous deviendrez tellement expert que vous ne pourrez plus la confondre avec des bouts de bois ou des cormorans plongeant dans l’eau dans un mouvement si proche de celui de la loutre.
Et au bout d’une semaine, vous connaitrez quelques unes des petites manies de la bête: elle aime déguster sa nourriture dans l’eau et sur le dos, en se laissant entrainer par le doux mouvement des vagues. Ses moments de chasse préférés se déroulent à la marée montante pour ne pas se faire voir des crustacés (crabes) et des poissons qui vivent dans les fonds rocheux. Sa technique de chasse repose sur la rapidité, elle a 30 secondes (c’est son temps maximum d’immersion) pour plonger sous l’eau à une vingtaine de mètres de profondeur, se faufiler au milieu des rochers et ramener sa proie à la surface de l’eau. Lorsque la proie est trop grosse pour être engloutie d’un coup de pattes, elle s’empresse de la ramener chez elle, à la vitesse de l’éclair, pour ne pas se la faire dérober par les mouettes qui l’observent du coin de l’oeil depuis le début de sa chasse, guettant le moindre de ses faux pas. La chasse l’occupe d’ailleurs 60% de son temps lorsqu’elle est à l’eau.
Son anatomie est sa fidèle alliée pour survivre dans cet environnement marin. Ses longs poils disposés tout autour de sa gueule l’aident à prévenir ses chocs avec les fonds marins. C’est pourquoi on la surnomme le “chat de mer”. Sa queue lui sert de propulseur hydraulique, c’est grâce à elle qu’elle se déplace aussi vite. Sa peau est recouverte de petits poils qui lui servent d’isolants afin de se maintenir des heures dans l’eau froide de l’océan Pacifique où elle a élu domicile, le long des côtes chiliennes et péruviennes. Sachez qu’elle n’aime pas à être confondue avec la loutre de mer, une espèce voisine qui vit dans l’océan Pacifique dans l’hémisphère Nord.
C’est sa peau qui la rend si prisée des braconniers et qui fait de l’homme son unique prédateur. Il paraitrait, selon Ricardo, que les boutiques des stations de ski les plus huppées de Suisse proposent des chaussures en peau de loutres chiliennes. Ce ne sont évidemment pas les loutres marines de Quirilluco qui sont chassées au regard de la faiblesse de leur population, estimées à une douzaine. L’association projette la disparition de la loutre marine chilienne d’ici à quelques dizaines d’années à cause de la pollution des fonds marins et de la destruction de son habitat.
Il ne faut pas croire que si vous suivrez son quotidien dans l’eau, elle vous invitera pour autant chez elle! Son habitat restera un mystère. Hors de l’eau, elle se dérobera de votre champ de vision en se faufilant sous les rochers et dans les cavernes qui parsèment la côte. D’ailleurs, nous ne savons que très peu de choses sur l’aménagement de son habitat. Encore moins de son mode de reproduction, si ce n’est la période de gestation de 60 jours et les 60 jours suivants avant que le bébé loutres puisse faire ses premières brassées en mer. Elle lui transmettra tout son savoir-faire pour qu’il puisse “nager de ses propres pattes” dès ses un an. Enfin, vous n’en saurez pas plus sur l’organisation de son groupe. De fait, vous l’observerez la plupart du temps seule à mener ses petites affaires dans son coin. On la dit solitaire, mais elle est assez curieuse pour s’approcher subrepticement de la plage afin d’observer des gamins jouer au ballon. Il ne manque pas grand chose avant qu’elle ne devienne la meilleure amie de l’homme… Parfois, elle daignera sortir avec sa paire, le couple se donnera alors en spectacle, à jouer et se trémousser dans le creux des vagues.
Ces éléments d’observation doivent être consciencieusement collectés dans un formulaire précisant l’endroit où vous aurez aperçu votre loutre, son activité du moment, les horaires de la marée du jour et surtout le temps où aurez réussi à la garder dans votre champ de vision. Ces données serviront ensuite à toute une équipe de chercheurs qui se relaient dans le parc afin d’améliorer les connaissances humaines sur l’animal, avec pour objectif de fond la préservation de l’écosystème dans lequel elle s’épanouit.
One comment
tres interressante activite qui,si elle n’est pas tres physique reste néanmoins un acte contemplatif qui risque de vous mener tout droit dans les ordres du même nom!
la loutre “terrestre” celle qui vit ou survit dans les rivieres et accessoirement dans les zoos est toute aussi rare si ce n’est plus
A+