Le tourisme chez l’habitant autour du lac Titicaca: une expérience mitigée

Une alternative aux îles du Lac Titicaca hyper fréquentées: la péninsule de Chucuito.
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La plage de Karina
La plage de Karina

Pour sortir (un peu) des sentiers battus et donner sa chance à des villages isolés autour du lac Titicaca, nous avons rencontré l’association CEDESOS (centre pour un développement durable) à Puno qui propose une telle offre.

Elle est à l’origine du tourisme rural dans les nombreux  villages encore méconnus des visiteurs du lac. Les constats de départs sont les suivants : le tourisme constitue une manne financière importante pour le développement du lac Titicaca mais il est centré seulement sur quelques endroits : les îles Uros, Taquile et Amantani ainsi que Puno. C’est pourquoi l’objet de l’association est de soutenir financièrement et techniquement le développement de chambres chez l’habitant dans d’autres villages autour du lac, comme c’est le cas dans les péninsules de Capachica et de Chucuito. En tout, il y a une quinzaine de villages nouvellement ouverts au tourisme et une centaine de familles ayant aménagé des chambres chez l’habitant.

Pommes de terre, chuño
Pommes de terre, chuño

Le rôle de Cedesos est, d’une part, de distribuer des micro-crédits pour l’aménagement de chambres chez l’habitant. D’autre part, il accompagne leurs propriétaires par des formations, dispensées sur place, ayant pour objet l’accueil touristique (comme la connaissance des règles d’hygiène dans le cadre de l’accueil de public, le développement d’artisanat, d’activités de loisirs sur place, etc.). Enfin, l’association se charge de faire la promotion des chambres auprès des acteurs du tourisme.

Le projet nous a tout de suite plu et nous avons voulu tester ces fameuses chambres. Nous avons opté pour Karina, petit village au bord du lac dont la plage de sable fin nous a tout de suite attirée. Nous sommes donc partis un matin tôt de notre hôtel de Puno pour prendre le bus journalier de 7 heures reliant Karina. Après quelques heures d’attente pour que le bus se remplisse, un trajet de deux heures nous attendait encore sur des petites routes cahoteuses longeant le lac, avec des pauses régulières pour prendre des passagers et/ou charger leurs marchandises sur le toit (dont un mouton vivant!). Le bus ne passant finalement pas par Karina, nous avons du terminer notre chemin à pied. Une demi-heure de marche avec vue sur le lac, nous étions ravis!

Vue sur le lac depuis Karina
Vue sur le lac depuis Karina

Comme au village, on nous attendait pour 9h et que nous sommes arrivés à 13h, il n’y avait plus personne pour nous accueillir. Après une brève enquête auprès des habitants croisés sur le chemin, nous avons pu localiser notre hôte, enfin sa femme, car le chef de famille était occupé, non sans un certain mystère pour nous, dans la montagne désignée d’une façon vague en direction de ce que nous appellerions plutôt une petite colline.

Nous avons donc dérangé “la señora de Efrain” (la femme de notre hôte) en plein repas avec d’autres femmes du village. Elles étaient en train de broder  ensemble et s’accordaient une pause bien méritée! Ce faisant, nous avons été invité à partager leur repas: une montagne de pommes de terre, chuño, haricots, riz, pates et oca, le tout mélangé, sans aucune sauce, et disposé à même le sol sur une nappe. Les femmes, accroupies autour de la nourriture, y piochaient à pleine main. Cette entrée en matière nous a conquise!

Notre chambre
Notre chambre

Nous avons ensuite disposé nos affaires dans une petite chambre bien douillette avec une vue imprenable sur le lac! Puis nous avons été présenté aux enfants qui étaient dans la maison dont William, qui nous a lui-même introduit aux animaux du foyer: le chat et ses bébés, les moutons et leurs bébés, les cochons et leurs bébés, les poules et les vaches!

C’est en accompagnant William à conduire les vaches à l’abreuvoir public, c’est-à-dire le lac, que nous avons fait connaissance avec la plage de Karina. Il faut imaginer le lac à perte de vue, l’île de Taquile se dressant  en son milieu et les montagnes enneigées de la cordillère royale bolivienne en décors de fonds. Nous nous voyions déjà passer une semaine ici à se promener sur la plage, à faire des randonnées dans les collines environnantes  et observer de façon discrète la vie du village et en particulier le spectacle étonnant en fin de journée des vaches et moutons conduites par leurs bergers pour aller s’abreuver au lac.

La basse-cour
La basse-cour

A la place de quoi… dès qu’Efrain a regagné son foyer nous avons compris que nous n’aurions pas tant de liberté que ça. Il nous a sorti un programme d’activités (certainement dicté par l’association) où chaque minute de notre temps serait occupée. C’est ce qui est traditionnellement proposé aux voyageurs qui passent par une agence de voyage. Nous avons essayé de faire comprendre que nous étions venus par nous-mêmes et que notre souhait était plutôt de se promener tranquillement dans le village. Même dans ces conditions, nous avions toujours un chaperon avec nous dès que l’on sortait de la maison.

Ce qui nous est apparu le plus grave dans ce programme c’est la marchandisation de la culture qui était proposée : pour aider ou assister aux travaux dans les champs, cela coute tant, pour quelques explications sur les plantes médicinales du coin, payez tant, pour assister à un atelier de teinture naturelle de textiles, donnez tant, etc. Sans parler d’une certaine folklorisation de cette même culture: on vous accueille avec un collier de fleurs et un groupe de musique traditionnelle (on l’a vu pour un groupe de personnes venu passer une soirée et une nuit dans le village), ou encore on s’habille avec des costumes traditionnels pour paraitre “authentique” auprès des touristes (alors que les autres villageois qui ne proposaient pas de chambres n’étaient pas habillés pareil!).

Un abreuvoir géant
Un abreuvoir géant

Nous pensions que Cedesos proposait un autre type de tourisme que celui en cours au sein des îles du lac, mais ce même schéma de marchandisation-folklorisation semble malheureusement se reproduire. Nous n’avons tenu que deux nuits…

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5 comments
  1. Nous avons passé quelques jours à Paramis dans la famille de Benancio et Vilma, sur la péninsule de Capachica. C’était fantastique.

    @ Claire et Guillaume, nous n’avons pas ressenti la marchandisation / folklorisation que vous évoquez (bien présente en revanche sur Uros …).
    Les femmes étaient en tenue traditionnelle (chapeau) mais je pense qu’elles sont tout le temps comme ça (exemple au marché, dans les hameaux où aucun touriste n’est présent).

    La vue sur le lac depuis le village était à couper le souffle.
    Aucun autre touriste dans le village (moins de 10 visiteurs en 2 ans … )
    ça n’a duré que 3 jours, mais nous avons vraiment eu l’impression d’être en totale immersion, en dehors du temps.
    Ils proposent une super formule, avec participation aux activités (notamment pêche au filet) et, le dernier jour, visite de Taquile et/ou Uros avec Benancio comme guide.
    Vu l’affluence grandissante à Llachon et sur Amantani, je recommande chaudement de découvrir ce petit coin de paradis encore préservé.

    contact (privilégier le téléphone) :
    http://titicaca-paramis.jimdo.com/
    Benancio : 950 81 28 57
    Vilma : 983 37 47 22 / 975 11 42 00

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