Toute la monnaie de l’empire espagnol était frappée à Potosi
Parallèlement à l’exploitation de la mine, les espagnols créent en 1545 la ville de Potosi qui devient très vite un lieu cosmopolite où se rencontrent les hommes attirés par la manne financière du Cerro Rico. Avec la création en 1572 de la Maison de la monnaie, la ville deviendra très vite le centre de l’empire colonial. Même après l’indépendance du sous-continent courant XIXème siècle, Potosi continuera d’être l’objet de toutes les convoitises. Par exemple, l’Argentine aurait bien espéré conserver la ville de Potosi dans son territoire. Encore aujourd’hui, la pièce de un peso argentin commémore ce vœu car y sont inscrites les lettres symboles de Potosi “PTS”.
La Maison de la monnaie était le lieu de fabrication de la monnaie de tout l’empire espagnol. Après son indépendance en 1825 et ce jusqu’en 1951, la Bolivie continua de frapper sa monnaie dans cette maison, jusqu’à ce que le quasi épuisement du filon d’argent rende trop cher son extraction. Aujourd’hui la monnaie bolivienne est émise en partie au Chili (pièces) et en Europe pour les billets (dont la France).
Un processus de fabrication expliquée à la Maison de la monnaie
Pendant la période coloniale, la main d’œuvre de la Maison de la monnaie n’était pas mieux traitée que celle du Cerro Rico. Dans les premiers temps, le processus de fabrication était essentiellement manuel: il fallait d’abord transporter le minerai, puis le faire fondre dans les 11 fours de la maison (à 960,5 degrés pour l’argent et plus de 1000 degrés pour l’or). Le feu des fonderies étaient attisés par les arbustes de l’altiplano mélangé avec les crottes de lamas. Il fallait ensuite aplanir les lingots d’argent qui sortaient de la fonderie avec des énormes laminoirs tirés par des animaux de traits eux-mêmes entrainés par des humains. La dernière étape consistait à frapper la monnaie au marteau dans un premier temps puis à presse manuelle.
En aparté du musée, nous ne pouvons qu’exprimer notre surprise à la rencontre de squelettes d’enfants espagnols datant du XVIIIème ou XXème siècle. Présentés comme étant des momies, ces cadavres ont été découverts lors de travaux sur une ancienne fondation d’église; à l’époque les espagnols étaient enterrés dans les cryptes des églises. On ne peut s’empêcher de penser qu’il s’agit là d’un clin d’œil “vengeur” pour tous les musées d’Argentine et du Pérou qui exposent des momies d’enfants incas sacrifiés dans les nombreuses montagnes des Andes. Il est vrai que sous couvert de la science et de la découverte archéologique, ces expositions peuvent s’apparenter à un pillage de tombes d’ancêtres des civilisations pré-colombiennes.
L’Eglise catholique a joué un rôle certain dans l’exploitation forcenée de la mine
On a donc vu que la maison de la monnaie a tenu un rôle primordial dans l’enrichissement des espagnols par la valorisation du minerai extrait du Cerro Rico. Tout cet or et argent étaient évidemment exportés en Espagne, mais pas dans sa globalité, comme nous pouvons le constater en visitant les nombreuses églises de la Ville (il en reste 22 et on en dénombrait 36 avant l’indépendance!). Tant et si bien qu’à la vue des autels dorés ou argentés, des statuettes et autres objets nécessaires au culte catholique, on se demande combien d’indiens ont du mourir en extrayant le minerai correspondant. C’est ainsi qu’on ne peut que s’interroger sur le rôle tenu par l’église pendant la colonisation espagnole, en dehors de sa responsabilité d’évangélisatrice. Toutes les églises de la Ville sont aussi riches les unes que les autres. L’Église a largement profité de la manne financière du Cerro Rico et ce faisant, a passé sous couvert les traitements inhumains des mineurs de l’époque. Bien souvent, le culte catholique fut la justification religieuse auprès de ces mêmes mineurs, auteurs de ces extractions forcenées. Ce qui explique la construction à outrance d’églises à l’époque. On dit d’ailleurs que les églises du quartier espagnol ont leurs portes d’entrées tournées vers la montagne car c’est d’elle que venait la richesse, alors que les églises du quartier indien ont leurs portes d’entrées dos à la montagne car c’est là-bas qu’ils mourraient.
L’ironie de toute cette histoire est que la pauvreté de la province de Potosi oblige à nouveau les indiens à retourner dans la mine, cette fois-ci ils ne sont pas forcés mais y travaillent toujours dans des conditions très dures pour des salaires de misère.