Qu’est-ce qu’un pays en voie de développement?

Quelques réflexions sur ce qui caractérise un pays en voie de développement.
3 Shares
3
0
0
IMG_8530-LD
L’enseigne dit “nous prêtons en liquide”

Alors que nous déambulions dans les rues de Buenos Aires, Tucuman, Salta ou Jujuy, nous nous interrogions sur la définition d’un pays en développement, dont l’Argentine ferait partie.

Les Argentins ont accès aux mêmes services et produits de consommation dans les pays du Nord

En effet, ces grands centres urbains offrent tous les services et produits de consommation que nous pouvons trouver chez nous, “les pays développés”: enseignes de grandes distributions, prêt-à-porter, appareils électroniques, cinéma, concessions automobiles, équipements culturels et sportifs, grands restaurants, hôtels de luxe, sans oublier les services collectifs de base: eau potable (quoiqu’en dise le Lonely Planet…), électricité h24, assainissement des eaux usées et ramassage des déchets ménagers.

Si nous n’avons pas noté de grandes différences en terme de niveau de vie pour les argentins que nous pu rencontrer, quels peuvent-donc être les critères de définition d’un pays en voie de développement?

Au fur et à mesure de notre séjour, notre œil s’aiguise et nos conversations avec les argentins s’approfondissent. Nous pouvons observer que tous les produits de consommation courante peuvent être achetés à crédit (de la simple paire de chaussures, aux courses alimentaires du supermarché, etc.). Il existe une multitude d’entreprises qui distribuent des prêts de petits montants directement en cash, sans que ces dernières ne soient considérées comme des institutions de micro-finance, c’est-à-dire ayant pour objet social d’accompagner des porteurs de projets économiques qui sont des micro-entrepreneurs. Nous reviendrons sur le thème du crédit qui est intimement lié à l’inflation, phénomène récurrent et dont se plaignent tous les argentins.

Les écarts de richesse sont plus visibles que dans les pays du Nord

Il y aussi le thème omniprésent de l’insécurité. Certains quartiers sont des poches de pauvreté entourant les grands centres urbains liés à l’urbanisation du pays. Les conditions de vie sont meilleures en ville qu’en zone rurale et il est plus facile d’y trouver du travail, alors il y a beaucoup de migrations internes, mais la construction de logements décents ne suit pas…

Pourtant, nous avons surtout pu observer des villas magnifiques dans certains quartiers chics de Buenos Aires ou dans le Nord-Ouest argentin, avec piscines et terrains immenses. Il y a donc également des “poches de richesse” symbolisé par les “barrios privados”, des lotissements pour gens riches entourés de grillages ou de murs et dont l’entrée est surveillée h24 par un agent de sécurité. Pour vous rendre compte des conditions de vie, nous vous invitons à visionner le film argentin “las viudas de los jueves” (les veuves du jeudi) de Marcelo Piñeyro et dont l’intrigue se passe dans un “barrio privado” proche de Buenos Aires.

Ainsi, les inégalités économiques mais surtout l’absence de redistribution institutionnelle pourraient être des critères de “sous-développement”. Cette absence de redistribution serait en train de changer grâce à l’actuelle présidente, Madame K (Christina Kirschner Fernandez), ce qui fait débat et controverse au sein de la société argentine.

La redistribution institutionnelle n’est pas consensuelle

De nombreuses personnes avec lesquelles nous avons pu échanger nous ont indiqué que c’était des “bonbons” distribués aux pauvres pour acheter des voix électorales ou encore que ces mesures de redistribution allaient à l’encontre de la dignité humaine ou enfin que c’était donner de l’argent à des gens qui ne servent à rien. Évidemment, ces paroles nous choquent de notre point de vue d’européens habitués à un système économique social-démocrate. Mais, cela nous permet aussi de nous rendre compte que la redistribution institutionnelle ne va pas de soi et qu’elle n’est pas toujours perçue comme un facteur de cohésion sociale et de bien-être social. Mais c’était sans oublier combien l’Argentine a expérimenté pendant de nombreuses années les théories économiques de l’ultra-libéralisme économique dans ses formes les plus extrêmes!

Nous ne répondons pas vraiment à la question des critères de définition d’un pays en voie de développement, mais nous espérons que nos amis qui travaillent dans l’humanitaire ou dans l’aide au développement sauront contribuer en postant des commentaires: d’avance merci!

3 Shares
10 comments
  1. L’Argentine fait parti des “pays en développement” certes, mais aujourd’hui on dit pays du sud ou plutôt des suds. L’Argentine, ainsi que le Chili et le Brésil, font partie des pays émergents, avec une forte intégration à la mondialisation. Le Brésil et l’Argentine, ainsi que la Chine, l’Inde et l’Indonésie, sont membres du G20. Les pays émergents, d’après les géographes, sont dans une phase de transition entre pays pauvres et pays riches. Cela n’empèche pas de grandes inégalités entre les riches et les pauvres, qui se creusent ainsi qu’entre leurs territoires à toutes les échelles.
    Les pays les plus pauvres restent en Afrique, où il y a la majorité des PMA, les Pays les Moins Avancés. Il y en a 49 aujourd’hui, dont 33 en Afrique ( le Sénégal en fait partie), 10 en Asie et le reste dans les Caraïbes (Haïti) et dans le Pacifique.

  2. Cette notion de « développement » inventé par les Américains dans l’après-guerre laisse quand même pantois ! Un moyen de hiérarchiser les pays du plus fort au plus faible et de se placer confortablement dans le haut de la sphère. Tous les pays suivent le même modèle de développement, c’est une religion dont nous sommes les dictateurs. Nos amis autour du monde font sans doute face, régulièrement, à cette échelle fictive. Nous, lecteurs de cette page web, n’avons d’autres solutions aux problèmes des pays étrangers que le développement, c’est de l’inné ! Eux, un peu plus loin, n’ont souvent pas de mot dans leurs langues pour traduire cette notion… Euh pardon ?? Comment peuvent ils être en voie de développement s’ils ne connaissent pas cette définition ? Ce super développement qui engendre les catastrophes environnementales et humaines quotidiennes.
    Il y a encore des gens qui se souviennent du futur.

  3. Il est vrai que ce terme de “pays en voie de développement” fait péjoratif même si c’est déjà mieux que “pays sous-développés”. J’ai vu pas mal cette notion lors de mes études de géographie mais personnellement j’essaie toujours de voir le côté positif des choses, un pays en voie de développement est pour moi un pays en forte croissance avec un grand potentiel d’évolution. Contrairement aux pays développés qui sont arrivés à “saturation”.
    Fabrice Articles récents..La Province de Cartago au Costa Rica

  4. Il est peu commun de lire sur des blogs de voyage des réflexions qui élèvent le niveau, càd des réflexions d’un point de vue politique, philosophique, moral.

    On commence à le faire sur Voyageurs du Net et, personnellement, sur d’autres sites où j’écris.

    Je trouve qu’il est bon d’inviter les voyageurs à ne pas considérer le monde comme une succession de décors, mais à s’interroger plutost sur les coulisses de ce qu’ils voient.

    Combien de fois-je ai-je entendu ces sales refrain tiers-mondiste : “Eux au moins ils n’ont pas de mendiants, on devrait pendre exemple sur eux” ou bien encore “La solidarité familiale existe encore ici” ou bien encore cette sottise du Lonely Planet sur les églises évangélistes qui apporteraient du sang neuf à l’Amérique centrale…. ?

    S’ils n’ont pas de mendiants et qu’il y a une solidarité familiale avec trois générations sous un même toit, c’est aussi que, en revers, il y a plus de contrôle social, dont les femmes – comme d’hab – font le plus souvent les frais. Et, comme en corollaire, une grande hypocrisie, généralisée, sur l’attrait d’une libéralisation des moeurs que ne cachent même pas les innombrables petits hôtels où les jeunes couples sans logement à eux et sans intimité, doivent faire leur petite affaire en louant une chambre pour une ou deux heures. C’est encore sans compter les ravages que la sexualité réprimée et le manque d’éducations causent : MST, grossesses précoces (le record mondial est je crois en Colombie)… ou les pratiques sur chèvres dont j’ai entendu parler en Palestine…

    Enfin, relativement aux sectes évangélistes, l’imbécile du Lonely Planet n’a sans doute pas mesuré que si celles-ci apportent du sang neuf à l’Amérique centrale, c’est essentiellement un sang contaminé. Les églises évangélistes, leurs gospels et leur grandiloquence sont peut-être spectaculaires et entraînants ; ce sont aussi l’arme douce de l’impérialisme américain. Mariée de force aux USA, sous la menace séculaire du “Big Stick”, l’Amérique latine est une femme battue par l’économie, les coups d’Etat et les oligarchies et Eglises soutenues par la CIA. De l’autre main, l’homme violent caresse et apporte le soulagement en distribuant ses ONG qui maintiennent les peuples dans la dépendance et les églises qui empêchent de désirer un changement dans ce monde : on comprend tout à fait la fameuse citation de Marx et Engels sur l’opium du peuple.

    J’ajoute que les sectes évangélistes ou autre (la Scientologie et les Mormons et les Adventistes, les témoins de Jehovah et toutes les autres) sont une contre-révolution, souvent soutenue financièrement par diverses églises protestantes des Etats-Unis, initialement pour contrer la Théologie de la Libération qui, quant à elle, luttait pour la dignité des peuples et des indigènes notamment, non pour la perpétuelle soumission et la fatalité d’esclavage que promettent les églises évangélistes…

    Oh, et je précise que les évangélistes sont issus du protestantisme. Le protestantisme naquit en réaction à la débauche de richesses de Rome, qui vendait des indulgences pour financer la construction de Saint-Pierre. Aujourd’hui, les grands télévangélistes sont riches et exubérants comme de petits papes ; pire : comme des pimps, des maquereaux de clips de rap. Et ils vont main dans la main avec les oligarchies, comme souvent dans l’histoire… et comme au bon vieux temps de Pinochet ou, puisque vous parlez d’Argentine, de Videla…

    Cela, il importe de le dire : les apparences ont un revers.
    Mike Articles récents..Cancún : l’arrivée appelle un rapide départ

  5. @Mike
    Merci Mike pour ton long commentaire, c’est rare d’en avoir d’aussi long et étayé! je n’avais jamais fait attention aux commentaires du Lonely Planet sur les églises évangélistes et j’en suis étonnée. Personnellement, j’ai été assez surprise par la multiplication des églises évangélistes en Argentine et Chili, même dans des coins assez isolés et avec peu d’habitants. Ces églises pallient souvent à l’absence des pouvoirs publics et jouent un rôle important auprès de populations défavorisées, tout en jouant la carte du prosélytisme à fond. Ce qui peut poser des problèmes de cohabitation avec les religions existantes, et notamment les cultures amérindiennes dont certaines valeurs et cultes sont mal considérées (comme celui de la pachamama). Nous avons eu l’opportunité de discuter avec des croyants d’églises évangélistes et ce sont les constats que nous avons pu tirer de nos échanges.
    Concernant la solidarité familiale, là encore, c’est avant tout un moyen de pallier à l’absence de redistribution institutionnelle. Dans certains pays, cela fait peser beaucoup de responsabilités aux enfants, dont on demande beaucoup très jeune. Je pense notamment à la Chine, où la politique de l’enfant unique accroit cette responsabilité.
    A l’inverse, je ne suis pas pour autant plus à l’aise avec la relative absence de solidarité familiale que l’on peut constater dans nos sociétés “occidentales” notamment intergénérationnelles ainsi que notre rapport à la vieillesse…
    Claire et Guillaume Articles récents..[Hors-série] Concours du meilleur blog de voyage “Oh my Globe”

  6. Oui tu remarques très justement que la “solidarité familiale” (dont le revers est le contrôle social, a fortiori sur les femmes) et les sectes évangélistes pallient l’absence de redistribution de l’Etat.

    D’où l’on peut aussi arriver à la conclusion que le libéralisme économique, prônant un Etat limité aux prérogatives régaliennes, est la source de tous les maux. Moins l’Etat protège sa population et régule l’économie, plus les problèmes sont graves. En Amérique centrale, on ne peut pas penser la réalité de sous-développement et l’impudence de l’oligarchie et les écarts de richesse sans ce facteur central.

    Plus les populations sont inéduquées et démunies, plus elles cherchent des réconforts que ces salopards d’évangélistes – main caressante des USA – apportent, avec tout le renoncement à lutter pour sa dignité que ça veut dire.

    On se croirait parfois au XIXe siècle… Au moins en Amérique du Sud, quelques pays, dont l’Argentine avec sa courageuse présidente, ont donné de nouvelles perspectives et de nouveaux espoirs – alors que les oligarques semblent décidés à faire mourir l’Europe.

    Et je suis par ailleurs tout à fait en accord avec ce que tu dis sur l’absence de solidarité intergénérationnelle dans nos sociétés. L’été 2003 reste un signe alarmant… Christopher Lasch avait parlé de l’importance de la famille et des solidarités locales… ce que la soi-disant gauche libérale a contribué à ringardiser… Tout cela est à reconstruire… avec modération.

    Salutations
    Mikaël Faujour Articles récents..3 expériences gastronomiques surprenantes en voyage

Répondre à Mikaël Faujour

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

CommentLuv badge

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

You May Also Like